Rapport mondial 2016 sur la nutrition – La France toujours à la traîne
Communiqué de presse de Génération Nutrition et du Collectif Santé Mondiale, signé par Action Contre la Faim, Action Santé Mondiale, AMREF, CARE, Coalition Eau, Equipop et ONE
14 juin 2016, Paris – A la veille de la journée mondiale contre la faim, le Rapport mondial 2016 sur la nutrition révèle le manque d’engagement des puissances mondiales dans la lutte contre la sous-nutrition, maladie la plus fréquente au monde, qui contribue au décès de près de 3 millions d’enfants par an.
La communauté internationale accorde pourtant à la nutrition l’importance majeure qu’elle mérite. L’Objectif de Développement Durable n°2 (ODD) de l’ONU n’est rien de moins que l’éradication de la faim et de toutes les formes de malnutrition d’ici à 2030. Près d’un quart des 242 indicateurs de suivi de l’ensemble des ODD concernent de près la nutrition. Pourtant, les cibles mondiales 2025 fixées par l’Assemblée mondiale de la santé ne seront pas atteintes si les Etats ne redoublent pas d’efforts. Des pays comme l’Irlande et l’Allemagne ont augmenté leurs financements déjà importants de 7,6 et 14,4 millions de dollars respectivement entre 2013 et 2014. Au niveau global, 0,9% de l’aide publique au développement (APD) sont consacrés à des investissements spécifiques à la nutrition. La Banque mondiale préconise une augmentation jusqu’à 2,8% de l’APD en 2021 pour se stabiliser à 1,8% en 2025.
Dans ce contexte, la France accuse un retard important, avec des progrès encore trop faibles pour respecter ses engagements. Ses investissements spécifiques à la nutrition ont augmenté en 2014, de 0,02% de son APD à 0,06%, loin derrière les 0,9% de l’APD mondiale. Les ONG demandent à la France de consacrer 500 millions d’euros à la nutrition d’ici à 2020, dont 200 millions pour les interventions spécifiques comme la promotion de l’allaitement ou la supplémentation en vitamine A.
Une demande atteignable, en particulier quand on sait que la France comptabilise mal son aide sensible à la nutrition, donc le financement de projets sectoriels (eau, assainissement, hygiène, sécurité alimentaire, climat…) qui intègrent un volet « nutrition ».
En effet, le manque d’informations sur les projets financés et la mauvaise qualité de l’enregistrement des données avaient empêché l’an dernier la comptabilisation de 35,62 millions d’euros dans les contributions à la lutte contre la sous-nutrition. Et contrairement à tous les autres grands donateurs, la France n’a pas révélé les montants de ses investissements sensibles à la nutrition en 2014.
Il y a pourtant une amélioration de la volonté politique française depuis 2013, comme en atteste la conférence parlementaire sur la lutte contre la sous-nutrition qui s’est tenue ce 9 juin à l’Assemblée nationale. A cette occasion, Friederike Röder, directrice France de l’ONG ONE, membre de Génération Nutrition et du Collectif Santé Mondiale, a indiqué qu’« en tant que grand donateur, la France doit tenir son rang. Un financement français de 500 millions d’euros pour 5 ans ne serait pas ambitieux, il s’agit du strict minimum nécessaire. » « Les financements contre la sous-nutrition sont un investissement, pas une dépense » rappelait Marlyse Rose Douala-Bell, députée du Cameroun, où 32,6% des enfants de moins de 5 ans souffrent de sous-nutrition chronique.
Le Secrétaire d’Etat chargé du Développement et de la Francophonie André Vallini a exprimé le 9 juin dernier le souhait que les pays pauvres prioritaires de l’aide française bénéficient d’un renforcement de l’action de la France : sans budget, cela risque de rester un vœu pieux.
Notes aux éditeurs :
- Les Objectifs de développement durable ont été adoptés par les Etats-membres des Nations Unies en septembre 2015. Ils font suite aux Objectifs du millénaire pour le développement 2000-2015, et fixent 17 objectifs pour un développement durable des sociétés au niveau mondial, à atteindre d’ici 2030.
- L’Assemblée mondiale de la santé a fixé en 2012 6 cibles mondiales de nutrition à atteindre pour les Etats-membres d’ici à 2025. Parmi elles, par exemple, une réduction de 40% du nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de retard de croissance.