Ce billet de blog a été rédigé par trois jeunes Ambassadrices de ONE : Laïla Djafarou, Chloé Moisan et Marina Pogu.
Cette année est riche en évènements importants qui permettront de faire pression sur les dirigeant.e.s afin qu’ils et elles prennent des engagements concrets pour soutenir les pays les plus vulnérables, et les atteignent ! Le Sommet pour un Nouveau pacte financier mondial organisé les 22 et 23 juin prochains à Paris fait partie des moments clés de cette année 2023.
Co-présidé par la France et l’Inde, le Sommet rassemblera les dirigeants mondiaux et constitue une occasion de créer une dynamique et une urgence au sein d’une coalition de pays volontaires, tout en tenant compte des besoins spécifiques des pays à faible revenu en matière d’adaptation aux effets du changement climatique, de résolution de la crise de la dette et de renforcement des services sociaux, tels que l’accès aux soins de santé de base.
Concrètement, quel est le lien de ce Sommet avec la lutte contre la pauvreté dans les pays pauvres ? La plupart des pays à faible revenu subissent de plein fouet une crise de la dette. Un surendettement qui pèse lourd sur ces pays déjà vulnérables à d’autres crises telle que le changement climatique. Selon un rapport des Nations unies, en novembre 2022, deux tiers de ces pays étaient soit à haut risque soit déjà en situation de surendettement.
Une grande brèche financière à réduit l’aptitude des pays à faible revenu d’investir dans leur développement notamment en matière de relance économique après la pandémie, d’adaptation climatique et d’atteinte des objectifs du développement durable.
Mais dans quel contexte s’inscrit ce Sommet ? Quels sont ses enjeux et leviers d’actions ? Et surtout quelles sont nos attentes en termes d’actions concrètes ? Décryptage dans les prochaines lignes.
Pourquoi ce sommet a-t-il été créé ?
En novembre 2022, à l’occasion du Sommet du G20 et à l’issue d’une COP27 au bilan mitigé, Emmanuel Macron annonçait l’organisation d’un sommet international à Paris en juin 2023, afin de conclure un nouveau pacte financier avec les pays du Sud. Ce sommet est co-organisé par la France et l’Inde, mais son comité de pilotage comprend également l’Allemagne, la Commission européenne, le Sénégal, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Le sommet a pour ambition de faire converger plusieurs agendas (climat, développement, dette) et de proposer des solutions innovantes pour faire face à ces enjeux.
La ministre de l‘Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, évoquait ce 6 janvier 2023, que ce sommet a pour objectif de « bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud » afin d’aider les pays vulnérables à faire face aux conséquences des crises récentes et futures en leur facilitant l’accès aux financements.
Les quatre grands objectifs du sommet sont :
- Redonner un espace budgétaire aux pays qui font face à des situations difficiles à court terme, notamment les pays les plus endettés
- Favoriser le développement du secteur privé dans les pays à faible revenu
- Encourager l’investissement dans les infrastructures « vertes » pour la transition énergétique dans les pays émergents et en développement
- Mobiliser des financements innovants pour les pays vulnérables au changement climatique.
En quoi ce sommet est-il d’importance majeure ?
Les crises convergentes du COVID-19, de la guerre en Ukraine et du climat ont des impacts dévastateurs et menacent les progrès réalisés ces dernières années en matière de lutte contre l’extrême pauvreté. Pour la première fois depuis les années 1990, l’extrême pauvreté a augmenté et l’espérance de vie recule partout dans le monde.
Les conséquences de cette convergence des crises sont particulièrement graves dans les pays à faible revenu. Deux-tiers des pays africains sont en situation de surendettement ou au bord du surendettement. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, 120 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim. A cause du COVID-19, des retards importants ont été pris en matière d’accès à l’éducation et aux soins pour les maladies évitables comme le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Les impacts du changement climatique risquent d’aggraver encore cette situation alarmante.
Les pays à faible revenu ne disposent pas des mêmes outils financiers que les pays à revenu élevé pour faire face à ces menaces et protéger efficacement leurs populations. Face à cela, les pays à revenu élevé ont une responsabilité immense : il est nécessaire de soutenir économiquement et financièrement les pays qui en ont le plus besoin, afin de garantir que les services sociaux de base puissent continuer de fonctionner et que les pays disposent de la marge de manœuvre nécessaire pour développer leur propre politique de soutien aux populations.
Afin d’aider les pays vulnérables à faire face aux conséquences des crises récentes et futures, il est primordial de renouveler les financements internationaux, et de faciliter leur accès aux pays les plus pauvres. Mais concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Quelles sont nos demandes et attentes concrètes ?
Nos demandes
Dans un premier temps, nous souhaitons que les pays à revenu élevé tiennent leur engagement : redistribuer une partie de leurs Droits de Tirages Spéciaux (DTS) aux pays à faible revenu. Les DTS sont un avoir de réserve national créé en 1969 par le Fonds Monétaire International, qui permet de fournir de l’argent, de compléter les réserves officielles des pays bénéficiaires afin de soutenir leur économie en temps de crise. 100 milliards de dollars de DTS réalloués, c’est l’objectif. Avec la convergence des crises évoquée ci-dessus, cet engagement est primordial puisque les pays africains sont ceux qui en ont le plus besoin et qui pourtant n’ont reçu que 5 % du total des DTS débloqués en 2021. En plus, seuls 66 milliards ont été promis en mars 2023. Ce sommet est donc l’occasion de rappeler les dirigeants quant à leurs engagements.
De plus, il est nécessaire d’obtenir un accord général pour tripler les financements de la Banque Mondiale, d’ici à 2030, pour atteindre 1 200 milliards de dollars. Oui, nous sommes ambitieux; mais pas sans raison ! En effet, réformer les Banques multilatérales de développement et en particulier la Banque mondiale permettrait de débloquer des milliards de financements nécessaires pour financer notamment le climat et le développement dans les pays qui en ont besoin.
Les négociations autour de ce nouveau pacte financier mondial seront également l’occasion d’aborder le sujet de taxes innovantes pour soutenir le climat et le développement. ONE propose une Taxe internationale sur les Transactions Financières. Des taxes similaires sont déjà en place dans une trentaine de pays et peuvent jouer un rôle déterminant pour le financement du développement. ONE milite depuis longtemps pour que cet outil de solidarité internationale soit élargi, mieux utilisé, et appliqué dans d’avantage de pays, et c’est maintenant que nous en avons besoin. Nous appelons à mobiliser au moins 50 milliards de dollars par an par le biais de taxes innovantes comme celle-ci.
Nous devons tenir compte des besoins spécifiques des pays à faible revenu et nos attentes y contribuent. La France et les pays participants doivent faire leur juste part en matière de redistribution mondiale et augmenter le financement du développement, afin que les pays à faible revenu puissent investir dans la santé, l’emploi et l’éducation – ceci peut se concrétiser grâce à nos demandes.
Vous l’avez donc compris, ce sommet est une occasion en or pour obtenir des engagements concrets sur la question de la réforme des banques multilatérales de développement, la dette, l’atteinte de la cible des 100 milliards de DTS et la mise en œuvre de taxes solidaires dans plusieurs pays du monde afin de dégager des financements additionnels pour le climat et le développement dans les pays pauvres ! Aujourd’hui plus que jamais, l’architecture mondiale du financement du développement devrait prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des pays et c’est ce que nous attendons de ce sommet.
Ce qu’il faut retenir :
- Ce sommet du 22 et 23 juin à Paris va donc rassembler les dirigeants du monde pour évaluer un nouveau système de financement du développement et du climat
- Il doit être l’occasion de mettre l’accent sur les besoins spécifiques des pays à faible revenu.
- La convergence des crises apparues ces dernières années a aggravé la situation dans de nombreux pays
- Nous ne disposons pas tous des mêmes armes, il est donc nécessaire de soutenir économiquement et financièrement les pays qui en ont le plus besoin.
- Les pays à revenu élevé doivent tenir leurs engagements et redistribuer une partie de leurs DTS aux pays à faible revenu. Les pays africains ne reçoivent pas assez du montant des DTS débloqués et il faut changer cela. La TTF est aussi un moyen important de financement et doit être élargie et appliquée internationalement dans les pays volontaires.
- Une réforme des banques multilatérales de développement est nécessaire pour débloquer des fonds afin de soutenir les pays à faible revenu, notamment face au changement climatique.