Cet après-midi, l’Assemblée nationale se réunit pour procéder au vote solennel de la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales. Cette loi va structurer les grandes priorités de l’aide publique au développement (APD) française sur les prochaines années, et va définir son ambition et son impact sur le terrain dans les pays en développement. L’occasion de revenir sur un épisode décisif pour la solidarité internationale.
Une promesse de 50 ans
Après deux semaines de débats mouvementés, plusieurs grands succès ont été gagnés et inscrits dans la loi. Mais l’un d’eux marque une étape historique pour l’aide française : pour la première fois, la France se fixe une date pour atteindre les 0,7% de RNB alloué à l’APD. Sous ce mystérieux pourcentage se cache en réalité un tournant dans les politiques de développement mondiales : en 1970, la France et d’autres pays riches s’engageaient devant l’ONU à verser 0,7% de leur richesse nationale pour contribuer à réduire la pauvreté dans le monde. Pourtant, jusqu’ici seuls 5 pays ont tenu leur promesse : le Danemark, la Suède, la Norvège, le Luxembourg et jusqu’en 2020 le Royaume-Uni, qui a depuis coupé ses budgets d’aide pendant la pandémie de COVID-19. Or l’aide française est plus essentielle que jamais, à l’heure où la pandémie a pu faire basculer jusqu’à 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté rien qu’en 2020, soit une augmentation de 17% en seulement un an. L’APD est un levier puissant pour réduire la pauvreté, les inégalités femmes-hommes, et adapter les territoires vulnérables aux dérèglements climatiques.
Cinquième puissance économique mondiale, la France était pourtant à la traîne. En chute libre depuis 2012, notre APD avait finalement regagné en ambition après l’annonce du Président Emmanuel Macron de l’augmenter et d’atteindre un seuil intermédiaire de 0,55% d’ici la fin de son mandat. Une promesse tenue : l’aide a été peu à peu renforcée, et se situe aujourd’hui autour de 0,44% du RNB. Mais le projet de loi était l’occasion de voir plus loin et d’adopter une vision de plus long terme indispensable aux politiques de développement : inscrire l’objectif historique des 0,7% assorti d’une date concrète. Car sans échéance tangible, il y a toujours le risque de dépendre du bon vouloir des gouvernements, qui pourraient repousser cette promesse aux calendes grecques.
La France est aujourd’hui le deuxième pays, après le Royaume-Uni, à inscrire cet objectif avec une date concrète dans une loi. Ce n’était pas gagné d’avance : des négociations ont rythmé les débats parlementaires, partagés entre des réticences devant la crise économique que subit la France dans le sillon de la pandémie et la nécessité d’honorer une promesse vitale pour les pays en développement. Les député·e·s ont finalement voté oui !
Un activisme de longue haleine
Depuis sa création en France, ONE se mobilise pour que la France tienne ses engagements en solidarité internationale. Nos bénévoles, les jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices de ONE, militent aussi depuis des années pour l’atteinte du fameux 0,7%.
En 2014, ils partaient déjà à l’assaut du Parlement pour protéger les budgets d’aide au développement menacés de coupes, et appelaient leurs élu·e·s à faire #CommeLesAnglais, qui avaient déjà inscrit l’objectif des 0,7% dans leur loi.
En 2017, ONE lançait sa campagne “Cap ou pas Cap” en vue des élections politiques. Pour les élections présidentielles, les jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices sont partis à la rencontre des candidats et candidates pour leur demander s’ils étaient “Cap” de lutter contre l’extrême pauvreté durant leur mandat. C’est à cette occasion que le candidat Emmanuel Macron s’est engagé pour la première fois à inverser la tendance des coupes de l’aide et à atteindre les 0,55% du RNB. Dans le courant des élections législatives, 70 député·e·s se sont déclarés “Cap” pour se battre pour plus de solidarité internationale.
Finalement, chaque année, nos jeunes bénévoles investissent les bancs de l’Assemblée lors du vote du budget de la France, afin de renforcer les enveloppes d’aide. En 2020, leurs “Lobby Days”, semaine de plaidoyer et de mobilisation, avaient orienté les discussions autour de la loi sur le développement et l’importance d’y inscrire l’objectif onusien.
Cet activisme de la jeunesse, de concert avec d’autres ONG et organisations de la société civile, a fini par porter ses fruits ! L’objectif tant attendu des 0,7% a finalement un horizon concret, et le gouvernement a quatre ans pour l’atteindre. Reste à vérifier que ce soit bien le cas.
Sensibiliser et plaider pour plus de solidarité a été un chemin de longue haleine et un travail collectif, tant des citoyens et citoyennes que des parlementaires. En cette période troublée, cette victoire agit comme un rappel du pouvoir de la mobilisation collective, et n’est pas sans rappeler la citation de l’anthropologue et militante américaine Margaret Mead : “Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens réfléchis et engagés peut changer le monde. En vérité, c’est la seule chose qui y soit jamais parvenue”.