Ce billet a été rédigé par Maé Kurkjian, assistante plaidoyer chez ONE.
Les ministres des affaires étrangères des puissances du G7 se sont réunis entre hier et aujourd’hui en Allemagne afin de trouver des solutions aux crises internationales actuelles. Parmi celles-ci, éradiquer le virus Ebola et s’assurer que les pays d’Afrique subsaharienne soient capables de faire face à des crises sanitaires sont des priorités. Il est temps de donner aux populations la capacité de résister et de prévenir ces pandémies. ONE veut rappeler aux dirigeants mondiaux leur engagement dans la lutte contre Ebola, mais veut aussi mettre l’accent sur la nécessité d’investir dans la restructuration et le renforcement des systèmes de santé des pays du Sud.
Malheureusement, au cours des premiers mois de l’épidémie, très peu d’attention a été accordée à Ebola. Donateurs, agences techniques et médias ont largement ignoré la situation. Pendant ce temps, le virus se propageait, en silence, comme une traînée de poudre et s’est transformé en une crise sanitaire de grande ampleur. La réponse tardive et parfois inadaptée pour lutter contre Ebola a mis en lumière la difficulté de nos sociétés à faire face à de nouvelles crises sanitaires mondiales. Or, ces crises constituent un risque majeur pour des millions de personnes.
Le Sénat vient notamment de publier un nouveau rapport, écrit par Fabienne Keller, et intitulé « Les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes ». Ce dernier étudie le contexte lié à l’apparition des maladies infectieuses et les futurs défis qui y sont associés. En voici les principaux éléments.
Les maladies infectieuses émergentes ne peuvent plus être ignorées aujourd’hui
14 millions de personnes meurent chaque année des suites de ces maladies, dont les principales sont le sida, la tuberculose et le paludisme. Les pays en développement en sont les premières victimes : 90% des décès concernent les populations du Sud. Les maladies infectieuses y représentent 43% du total des décès, contre 1% dans les pays industrialisés. Cependant, l’impact dans les pays du Nord a augmenté de 10 à 20% ces quinze dernières années. En France, les maladies infectieuses représentent aujourd’hui 12% des décès.
Beaucoup de maladies « oubliées » au Nord ne le sont pas au Sud : c’est le cas de la fièvre hémorragique virale, de la Monkeypox, du Chikungunya, du sida, de la peste, de la tuberculose, du choléra et de la trypanosomiase humaine africaine. Un lien important entre le manque de systèmes de santé stables et la gestion des épidémies a ainsi été mis en avant : la résurgence de la peste en Asie et en Afrique est la conséquence d’un manque de qualité des systèmes de santé, de l’arrêt des vaccinations et des situations politiques instables.
Un coût exorbitant pour les pays
Au-delà des décès, les séquelles qu’une épidémie engendre sur un pays (réduction du capital humain, diminution de la fréquentation scolaire, impact négatif sur l’économie, diminution de l’alphabétisation, baisse de la productivité, etc.) peuvent se révéler particulièrement destructrices, notamment pour les pays du Sud. Selon les calculs de l’OCDE, les ravages du paludisme couteraient plus de 10 milliards d’euros par an à l’Afrique, entraînant chaque année un retard de croissance de 1,3%.
Peut-on prévoir l’apparition de nouvelles maladies infectieuses ?
Les maladies infectieuses sont malheureusement très imprévisibles. Il est cependant possible d’identifier les facteurs qui favorisent l’émergence de celles-ci. L’évolution démographique est en première ligne : la moitié de la population mondiale vit désormais dans les villes et 15% dans des bidonvilles. En Afrique, les conditions sanitaires urbaines déplorables concernent trois urbains sur quatre. Sont aussi responsables certaines pratiques agricoles (la déforestation, l’élevage intensif), la mondialisation et les échanges de marchandises, la progression des transports aériens, les déplacements humains (et notamment le nombre important de réfugiés et de déplacés à l’intérieur des pays) et le changement climatique.
Que faire pour lutter contre le risque des pandémies ?
Le rapport insiste sur trois éléments chers à ONE : le renforcement de l’aide publique au développement, le renforcement des systèmes de santé des pays du Sud et le soutien à la recherche. Les systèmes sanitaires des pays du Sud souffrent encore trop d’un manque de surveillance, d’une difficulté d’accès géographique, de la rareté des financements, du manque de performance des administrations publiques et de failles dans la logistique (notamment en ce qui concerne l’approvisionnement des vaccins).
Pour lutter contre ces phénomènes, la coopération internationale, doit être renforcée. Un partenariat entre les pays du Sud et Nord pourrait par exemple être mis en place pour améliorer la surveillance des zones tropicales (dans lesquelles se développent la plupart des maladies infectieuses) qui sont encore trop peu sujettes à l’observation. Enfin, renforcer les réseaux mondiaux de chercheurs et augmenter des financements destinés à la recherche apparaissent comme des mesures indispensables.
Le virus Ebola est ravageur, mais le pire a tout de même été évité : les prochaines épidémies auxquelles la population mondiale devra faire face pourraient muter et être plus facilement transmissibles. Il faut donc se préparer dès maintenant, en rappelant que les coûts de prévention sont nettement inférieurs aux coûts de réaction d’urgence.
Toutes ces mesures doivent être prises par les autorités publiques et les décideurs politiques. Tout comme le rapport du Sénat, ONE adresse ce message aux dirigeants du monde entier, et plus particulièrement à ceux du G7, réunis hier et aujourd’hui en Allemagne, afin que ceux-ci prennent des décisions concrètes pour assurer notre sécurité sanitaire pour l’avenir.