Le conflit en Ukraine aggrave la crise alimentaire mondiale. Les répercussions du conflit se font ressentir dans le monde entier, exacerbe la montée des prix et rend la lutte contre la faim complexe. En effet, l’Ukraine est un important producteur et exportateur de matières premières, telles que le blé et le maïs. Environ 90 % de ses exportations de blé étaient dirigées vers l’Afrique et l’Asie entre 2016 et 2021. Elles contribuaient ainsi à assurer la sécurité alimentaire dans certaines des régions les plus défavorisées du monde. Le réchauffement climatique a également des conséquences directes sur la production des aliments dans le monde.
Face à cette situation, nous vous proposons un tour d’horizon des causes et conséquences d’une pénurie alimentaire mondiale.
Pénurie alimentaire : quels sont les produits qui pourraient manquer en 2023 ?
L’année 2022 a été touchée par des pénuries alimentaires très ciblées autour de produits tels que la moutarde et l’huile de tournesol. En 2023, d’autres produits alimentaires pourraient être touchés par de possibles pénuries, en voici des exemples :
Le riz
Le Syndicat de la rizerie française (SRF) prévoyait une possible pénurie de riz dès février ou mars 2023, ainsi qu’une hausse de prix d’environ 12 % par rapport à septembre 2021. Grandement consommé, sa culture a été fortement fragilisée par le manque d’eau dans les trois principaux pays producteurs en Europe : l’Italie, la Grèce et l’Espagne.
La viande rouge
En 2022, le secteur agricole a été mis à mal par les conditions météorologiques. Les producteurs français de viande rouge, comme ceux d’autres pays, ont souffert d’épisodes de sécheresse. Face à cette situation, les animaux ont dû être nourris avec des céréales au lieu de brouter dans les prairies et cela dès l’été. Cette modification alimentaire a généré des coûts importants supplémentaires pour de nombreux éleveurs. Certains n’ont pas d’autres solutions que de devoir se séparer d’une partie de leur bétail.
Le pain, les farines et les céréales
Perturbé par la guerre en Ukraine, l’approvisionnement en blé, dont 30 % des exportations mondiales sont assurées par les Ukrainiens et les Russes, pourrait conduire à une situation de pénurie. Les farines, les céréales, mais aussi les pains pourraient venir à manquer.
En raison du blocus des ports ukrainiens par la Russie depuis le début de la guerre, ce sont quelque 20 millions de tonnes de céréales qui ont été bloquées dans les silos de stockage sur les rives de la mer Noire. En juillet 2022, la Russie a mis fin au blocus des ports ukrainiens sur la mer Noire, à la suite d’un accord avec l’Ukraine négocié par l’ONU et la Turquie. L’initiative céréalière de la mer Noire a alors été créée pour faciliter l’exportation de céréales et d’autres denrées alimentaires de l’Ukraine.
Les expéditions via la mer Noire ont repris. En mai 2023, plus de 30 millions de tonnes de produits agricoles ont été expédiées depuis l’Ukraine dans le cadre de cet accord.
Les pois chiches
La confédération internationale des légumineuses craint une nouvelle pénurie de pois chiches. L’offre mondiale pourrait en effet chuter de 20 % d’après les Echos. En cause, les mauvaises conditions météorologiques qui ont affecté les États-Unis, principal producteur de pois chiches.
L’huile de tournesol
La production de cette huile reste fortement impactée par le conflit en Ukraine, le pays étant, en 2020, avant le début du conflit, à l’origine de 50 % de la production mondiale.
Quels sont les pays les plus touchés ?
La pénurie alimentaire touche de manière importante des millions de personnes en Afrique et en Asie et en particulier les populations des pays déjà touchés par la faim comme la Somalie, le Yémen et l’Afghanistan.
En effet, les prix élevés des denrées alimentaires affectent très fortement la capacité des personnes à avoir accès aux denrées alimentaires. L’inflation accentue la pression sur les populations à faibles revenus.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, 205 millions de personnes dans le monde ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence*, contre 193 millions en 2021, soit deux fois plus qu’en 2016.
*Rapport mondial sur les crises alimentaires, septembre 2022.
Quelles sont les causes des pénuries alimentaires actuelles ?
Les conflits, la spéculation financière et les conséquences du dérèglement climatique sont les principales causes des pénuries alimentaires.
L’alimentation est utilisée comme arme de guerre dans de nombreux conflits. Les réserves sont pillées, les infrastructures ravagées et les agriculteurs ou paysans se retrouvent dans l’impossibilité de semer, récolter, prendre soin de leurs cultures et du bétail. Prenons l’exemple du conflit en Ukraine : l’agression militaire russe a causé une pénurie alimentaire, combinée à une hausse des prix des denrées alimentaires et des engrais jusqu’à un niveau jamais atteint précédemment.,
faisant augmenter encore davantage les prix des produits de base et réduisant la disponibilité des denrées alimentaires dans le monde entier.
Les conséquences météorologiques liées au dérèglement climatique sont également un facteur de plus en plus important dans l’apparition des pénuries. Les sécheresses, les inondations, et les tempêtes mettent en péril le secteur agricole et sa capacité à produire et récolter les cultures. Ainsi, la sécheresse qui a gagné les régions équatoriales a compromis les cultures et les moyens de subsistance de millions de personnes. En Afrique australe, 39 millions de personnes ne peuvent pas manger à leur faim, suite à une sécheresse qui a réduit à néant plusieurs saisons agricoles*. En parallèle, même si les denrées alimentaires sont disponibles, des événements météorologiques extrêmes peuvent bloquer les voies d’accès aux marchés et priver les populations de nourriture. Ces événements provoquent également de fortes hausses des prix alimentaires.
*Compte rendu de situation de la SADC sur la sécheresse provoquée par El Niño, numéro 03, 24 octobre 2016.
Selon un rapport publié par CCFD-Terre Solidaire, en avril 2023, l’inflation des prix alimentaires a atteint +15% en France sur un an : 12% de hausse pour le pain, 20% pour les pâtes, 15% sur la viande et 29% pour les légumes frais. D’après leur analyse sur les cours du blé Matif, en juin 2022, près de 70% des achats sur le marché du blé étaient effectués par des acteurs financiers, et 80% des achats étaient purement spéculatifs. Grands absents du débat sur l’inflation des prix alimentaires, les spéculateurs financiers y participent pourtant largement, en profitant d’un système opaque et dérégulé pour générer des profits toujours plus importants sur fond de crise alimentaire.
Que faire en cas de pénurie alimentaire ?
L’UE et ses États membres sont les premiers pourvoyeurs d’aide au développement dans le monde. En juin 2022, les pays de l’UE ont approuvé une enveloppe de 8 milliards d’euros pour la période 2020-2024 en faveur de la sécurité alimentaire.
Concernant le conflit en Ukraine, la Commission européenne a présenté un plan d’action en mai 2022, afin de créer des corridors de solidarité Europe-Ukraine. L’objectif était de développer d’autres itinéraires terrestres pour aider l’Ukraine à exporter ses produits agricoles. La Commission européenne a ainsi :
- fourni du matériel roulant de fret, des navires, des bateaux et des camions
- simplifié et accéléré les opérations douanières et autres contrôles ;
- permis le stockage des marchandises sur le territoire de l’UE.
Depuis le début des opérations, ce sont 69 millions de tonnes de produits ukrainiens qui ont été exportées via les corridors de solidarité. Sur ce total, plus de 38 millions de tonnes étaient constituées de produits agricoles, dont des céréales et des oléagineux.
Comment anticiper et préparer une pénurie alimentaire ?
L’Objectif de développement durable numéro 2 des Nations Unies qui a pour objectif d’« éliminer la faim, d’assurer la sécurité alimentaire, d’améliorer la nutrition et de promouvoir l’agriculture durable » insiste sur les liens entre le soutien à l’agriculture durable, l’autonomisation des petits agriculteurs, la promotion de l’égalité des sexes, l’élimination de la pauvreté rurale, la garantie de modes de vie sains, la lutte contre les changements climatiques et d’autres questions abordées dans l’ensemble des 17 Objectifs de développement durable.
L’élimination des pénuries alimentaires passe par la lutte contre la pauvreté et la faim qui dépendent entièrement des efforts visant à accroître la production alimentaire, la productivité agricole et les revenus ruraux. Il est vital de modifier en profondeur notre système de production agricole et la gestion des ressources.
Les systèmes agricoles du monde entier doivent devenir plus productifs et plus économes en ressources. La promotion des pratiques agricoles et systèmes alimentaires durables, y compris la production et la consommation, doit s’inscrire dans une perspective globale et intégrée.
Les terres, les sols sains, l’eau et les ressources phytogénétiques sont des éléments essentiels de la production alimentaire. Leur raréfaction dans de nombreuses régions du monde souligne la nécessité de modifier nos habitudes et de les gérer de manière durable. L’augmentation des rendements sur les terres agricoles existantes, y compris la restauration des terres dégradées, grâce à des pratiques agricoles durables, réduirait également l’expansion de la production agricole au détriment des forêts. Une gestion avisée des rares ressources hydriques grâce à l’amélioration des technologies d’irrigation et de stockage, combinée au développement de nouvelles variétés de cultures résistantes à la sécheresse, peut contribuer à soutenir la productivité des zones arides.
Enfin, il est primordial de mettre un terme au processus de dégradation des sols et de l’inverser pour pouvoir assurer les besoins alimentaires futurs.