Cette semaine, dans Ondes de Choc : l’impact économique des inégalités vaccinales, des doses distribuées arbitrairement et la face cachée du soutien à la dérogation temporaire des brevets.
ACTUALITÉS
Manque à gagner : Le PIB des pays à faible revenu aurait pu augmenter de 16,27 milliards de dollars en 2021 s’ils avaient eu l’accès et le soutien nécessaires pour vacciner leur population au même rythme que les pays riches. Alors que le développement et le déploiement des vaccins contre le COVID-19 ont eu des impacts positifs sur la croissance économique des pays riches, les perspectives pour les pays à faible revenu continuent de chuter.
Bis repetita : Les premières livraisons de vaccins COVID-19 de Novavax sont allées aux pays riches au lieu du mécanisme COVAX (en France, elles sont arrivées en février). Et ce, malgré un investissement de 388 millions de dollars de l’organisme pour accélérer le développement et s’en procurer les premières doses – et malgré le fait que les pays riches aient déjà vacciné plus de 75 % de leur population. Entre-temps, l’Afrique du Sud a annoncé qu’elle prévoyait de commencer à fabriquer des ingrédients pharmaceutiques actifs afin de réduire sa dépendance aux importations pour produire ses antirétroviraux et autres médicaments essentiels.
Un accord, quel accord ? : L’UE a déclaré que tous ses États membres soutiennent un accord sur la dérogation temporaire sur les brevets pour les vaccins COVID-19, bien que l’Allemagne ait récemment indiqué son objection à l’accord et que la représentante américaine au Commerce ait déclaré qu’il existe un “concept” de compromis, donc pas d’accord à proprement dit. Ce soutien semble toutefois être dû à son manque de substance : la proposition actuellement sur la table inclut de nouvelles exigences pour le partage de la propriété intellectuelle qui sont plus sévères que les lois actuelles, et le champ d’application est limité aux vaccins – aucun traitement ni test n’est inclus. Les transferts de technologie ont également été complètement laissés de côté. Plus important encore, la proposition ne s’applique qu’aux pays en développement qui ont exporté moins de 10% du stock de vaccins mondial en 2021, ce qui exclut la Chine, le Brésil et ne garantit pas l’inclusion de tous les pays les plus pauvres. La pression monte, notamment du côté des actionnaires, pour que Pfizer, Moderna et J&J acceptent les transferts de technologie que les accords ADPIC ne prévoient pas.
Qui dit vrai ? : Le manque de tests COVID-19 dans les pays africains ouvre de plus en plus la porte aux spéculations sur le nombre réel de cas et de décès sur le continent. Certains affirment que de nombreux pays ont été épargnés par la mortalité élevée due au virus (et réfutent ainsi les estimations de décès excédentaires mises en avant par The Economist), tandis que d’autres considèrent que les 250 000 décès excédentaires de l’Afrique du Sud en 2020 et 2021, attribués à des “causes naturelles”, se rapprochent plus de la réalité. Pendant ce temps, de nouvelles recherches suggèrent que jusqu’à 90 % des personnes présentes dans une morgue de Lusaka ont été testées positives au virus lors des pics de COVID-19. Mais diagnostiquer le COVID-19 n’est qu’une étape dans le décompte des décès liés au virus : les conséquences économiques de la pandémie en Afrique, combinées aux conflits et au changement climatique, sont également catastrophiques : 870 millions de personnes sont actuellement confrontées à une consommation alimentaire insuffisante dans un contexte de flambée des prix alimentaires.
Retour à l’expéditeur : 3,5 millions de dollars d’argent public qui auraient été volés au Kenya ont été rapatriés de l’île de Jersey et vont permettre de financer l’achat de matériel de laboratoire COVID-19 pour six hôpitaux kényans. Cette décision intervient après une enquête de dix ans sur des pots-de-vin présumés entre Samuel Gichuru, alors à la tête de la compagnie d’électricité du Kenya, et l’ancien ministre des Finances Chris Okemo. En 2016, la société Windward Trading Limited, enregistrée à Jersey et appartenant à M. Gichuru, a plaidé coupable de quatre chefs d’accusation de blanchiment d’argent. Les fonds sont restitués en vertu d’un accord de 2018 qui permet au Royaume-Uni de restituer au Kenya des actifs à condition qu’ils soient utilisés exclusivement pour des projets de développement.
Bienvenue au club : Le Ghana est le dernier des pays africains à assouplir les restrictions liées à la pandémie. Le gouvernement a supprimé l’obligation de porter un masque en public et, pour les personnes entièrement vaccinées, a autorisé la participation à des manifestations extérieures et l’entrée dans le pays sans test PCR (16 % du pays est entièrement vacciné). Le Ghana a renoncé aux restrictions dans le but d’accélérer la reprise économique dans le pays, suite à une dégradation de sa notation sur les marchés financiers. Le pays est loin d’être le seul : 22 pays africains ont cessé de recenser les cas contacts – une “épine dorsale” de la réponse à la pandémie, selon l’OMS – et 21 n’exigent plus de quarantaine pour les personnes exposées au virus.
De retour : La poliomyélite sauvage est réapparue au Malawi, 30 ans après le dernier cas signalé et 2 ans après la déclaration d’éradication de la maladie dans toute l’Afrique. Bien qu’elle n’ait été détectée que chez un seul enfant (jusqu’à présent), 200 autres enfants pourraient être infectés. Les experts accusent le COVID-19, affirmant que la pandémie a interrompu des mesures sanitaires préventives essentielles, comme la vaccination. Avant le Malawi, la polio sauvage ne subsistait qu’en Afghanistan et au Pakistan. Le nouveau cas présente le même profil génétique qu’au Pakistan, bien qu’il n’ait aucun lien avec l’enfant infecté.
L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION :
- ONE et le journal Libération ont organisé une journée de débats au Théâtre du Rond-Point pour demander aux candidats à l’élection présidentielle de rendre compte de leurs engagements en matière de solidarité internationale. Pour savoir quelles annonces ont été faites, lisez notre blog récapitulatif.
- Dans L’Obs, ONE alerte sur la famine qui s’annonce sur le continent africain du fait de l’interruption des approvisionnements en céréales venant d’Ukraine et de Russie.
- Dans le dernier épisode du podcast ONE World, Najat Vallaud-Belkacem reçoit Albane Godard de la Fondation Good Planet, pour une réflexion philosophique sur nos choix de société et sur la place laissée aux jeunes dans le débat public.
- Nos équipes en Afrique lancent la campagne #JobsNowAfrica qui mobilise un million de jeunes réclamant des réformes urgentes au niveau national.