Comment l’Etat, les entreprises et les associations peuvent-ils mettre fin à l’extrême pauvreté et aux inégalités dans le monde ? «Libération» publie en avant-première les résultats de notre consultation citoyenne lancée il y a quelques mois auprès de 24 000 personnes en partenariat avec Make.org et La Croix.
Cet article a été initialement publié par Libération le 11 mars 2022.
La méthodologie a déjà fait ses preuves. A une unique question –«comment l’Etat, les entreprises et les associations peuvent-ils mettre fin à l’extrême pauvreté et aux inégalités dans le monde ?» –, chaque participant doit répondre, en 140 caractères, en commençant sa proposition par «il faut…» : une formalité qui donne aux résultats de cette consultation citoyenne inédite des allures de programme politique. Dans le détail, ces 718 propositions se divisent en quatre grands axes et les premiers résultats sont tombés.
Finance et fiscalité
Une redistribution plus juste
Alors que toutes les économies de la planète vont subir des effets durables de la pandémie, que les conséquences géopolitiques de la guerre en Ukraine restent encore incertaines, la contribution de tous à la relance s’impose. La lutte contre l’évasion fiscale et pour une fiscalité plus juste, au profit des plus pauvres, recueillent plus d’une proposition sur cinq. Sur ces dernières, 90% des répondants exigent «d’augmenter la transparence des entreprises sur les impôts et les bénéfices pour lutter contre l’évasion fiscale», particulièrement celle des géants du numérique qui continuent de payer leurs taxes en se basant sur leur siège social et non sur le pays où elles réalisent le chiffre d’affaires. 79% se déclarent pour «mieux répartir les richesses en luttant contre les flux financiers illicites», comme le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux.
Besoins fondamentaux
Lutter contre la faim dans le monde
Dans le monde, 45 millions de personnes sont aujourd’hui en insécurité alimentaire aiguë. Les situations à Madagascar ou au Sahel sont alarmantes. L’instabilité politique, accentuée par un contexte géopolitique tendu, provoque une flambée des prix des denrées essentielles comme le gaz, le carburant ou le blé. Dans les propositions avancées pour lutter contre l’extrême pauvreté, les participants se prononcent d’un côté pour limiter voire interdire la spéculation sur les produits de la vie courante et de l’autre pour mieux redistribuer les surplus alimentaires des pays riches vers les zones en tension. Sans oublier de donner les moyens, aux pays les plus pauvres, de subvenir à leurs besoins, en autonomie. Comment faire, selon eux ? Proposer des formations agricoles adaptées aux contextes locaux, notamment aux jeunes, accompagner et aider les agriculteurs des pays en voie de développement à accéder aux moyens de leur production, comme l’accès à l’eau.
Economie et emploi
Réformer l’aide public au développement
Même si pour 75% des consultés, «il faut d’abord en finir avec cette pandémie et donc partager nos doses de vaccins avec les pays», 64% se prononce pour davantage de générosité, en augmentant les financements alloués par la France aux pays pauvres, à hauteur de 0,7% de la richesse, comme promis par le candidat Macron en 2017. Donner les moyens aux économies les plus fragiles c’est aussi, selon la consultation, s’assurer de la transparence de l’aide au développement via la création d’un organisme international de contrôle pour lutter contre la corruption, notamment le détournement des aides par les gouvernements locaux, en finançant des projets concrets et quotidiens, sans intermédiaire, comme la création de puits ou le don de graines. Pour 73% des répondants, «il faut [aussi] libérer les pays pauvres du fardeau de la dette», sans quoi aucun développement n’est envisageable.
Démocratie et politique internationale
Culture et travail pour toutes et tous
A la proposition, «il faut que les pays riches investissent massivement dans l’éducation dans les pays pauvres», 74% des participants se sont déclarés pour. Pour 83% des interrogés, il faut que «des politiques ambitieuses d’égalité entre les femmes et les hommes soient mises en œuvre partout dans le monde». Aussi, pour favoriser le développement, donner accès aux mêmes chances, pour toutes et tous, la consultation est sans appel : rendre l’école gratuite et obligatoire, réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes, faciliter l’accès au planning familial… Dans cette optique de croissance responsable, les pays en voie de développement devront investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour 82% des votants, «il faut créer des emplois verts dans les pays pauvres pour offrir des perspectives d’avenir aux jeunes tout en œuvrant pour la planète.»
La consultation a enfin mis en lumière un certain nombre de sujets controversés : la question migratoire, les armes nucléaires, le revenu universel ou le plafonnement des très hauts revenus.