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La vaccination dans le monde a du plomb dans l’aile

Analyse

À l’occasion de la Semaine mondiale de la vaccination, nous examinons de plus près l’état préoccupant de la vaccination dans le monde. Quels défis et quelles opportunités s’offrent à nous dans le cadre des efforts déployés à l’échelle mondiale pour réintroduire l’idée de « prévention » dans la lutte contre les maladies évitables ? 

ACTUALITES

Le grand rattrapage : L’UNICEF et l’OMS tirent la sonnette d’alarme face au plus important recul ininterrompu de la vaccination des enfants depuis une génération. Entre 2019 et 2021, 67 millions d’enfants n’ont pas reçu leurs vaccins de routine. 48 millions n’ont pas reçu un seul vaccin de routine, également connu sous le nom de « d’enfants zéro dose », ce qui les expose au risque de maladies mortelles – mais évitables. Les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, l’anatoxine et la coqueluche (DTP3) sont souvent considérés comme la base de la vaccination de routine. La couverture vaccinale a considérablement augmenté au cours des 20 dernières années. Mais pour la première fois en trois décennies, la couverture vaccinale des enfants par le DTP3 a diminué en 2021. Les pays et les partenaires internationaux ont intensifié leurs efforts pour rattraper ce retard. Par exemple, Gavi s’est fixé pour objectif de réduire d’un quart le nombre d’enfants qui ne reçoivent pas de dose dans les pays éligibles d’ici 2025. L’organisation a également lancé de nouveaux outils visant à mieux comprendre qui a été oublié et comment leur administrer des vaccins vitaux.

Des milliards pour 10 % : L’industrie pharmaceutique dépense environ 250 milliards de dollars par an dans la recherche pour développer de nouveaux médicaments. 90 % de cette somme est consacrée à des maladies qui ne touchent que 10 % de la population mondiale (c’est-à-dire les habitants des pays riches). Les maladies infectieuses qui ne sont pas endémiques en Occident, comme le virus Ebola, ne bénéficient généralement que de peu de fonds privés pour la recherche et le développement de vaccins. L’industrie pharmaceutique aime à blâmer le manque d’incitations commerciales pour les maladies concentrées dans les pays les plus vulnérables. Mais c’est une mauvaise excuse, surtout si l’on considère que la recherche sur les vaccins bénéficie souvent de subventions publiques, comme nous l’avons vu pendant la pandémie. Rappelons que le secteur privé a récolté la majorité des bénéfices des vaccins contre le COVID-19, largement financés par les pouvoirs publics, mais n’en a pas facilité un accès équitable. Une solution de bon sens : les financements publics devraient être assortis de conditions pour garantir un accès équitable aux traitements et veiller à ce qu’une partie des bénéfices soit consacrée à la recherche sur les maladies infectieuses.

Le passé ne doit pas se répéter : 1,3 million de vies supplémentaires auraient pu être sauvées au cours de la première année de déploiement du vaccin contre le COVID-19 si les chefs d’Etat et de gouvernement avaient tenu leur promesse de distribuer équitablement les vaccins. Pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir, les États membres de l’OMS négocient actuellement un document juridiquement contraignant visant à renforcer les soins de santé primaires, à soutenir les professionnels de la santé et à créer un cadre pour la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies de manière équitable et inclusive. La phase critique de la pandémie du COVID-19 étant passée, les directives de l’OMS se concentrent désormais sur la vaccination des personnes présentant un risque élevé de forme grave de la maladie et de décès. Gavi inclura les vaccins COVID-19 dans ses programmes de vaccination de routine après 2023, afin de garantir que les pays à revenu faible et intermédiaire aient accès aux vaccins dont ils ont besoin. Espérons que lors de la prochaine crise sanitaire mondiale, ces mesures qui sauvent des vies seront appliquées dès le départ et non trois ans après.

La maison, c’est là où sont les vaccins : En réponse à l’inégalité vaccinale constatée lors de la pandémie de COVID-19, l’Union africaine et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) ont proposé un objectif ambitieux consistant à fabriquer sur le continent 60 % des vaccins de routine et contre les épidémies d’ici à 2040. Il s’agit d’un objectif admirable et nécessaire, mais le programme régional n’en est qu’à ses débuts, et sa réalisation durable nécessitera une approche stratégique à long terme. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez la nouvelle analyse de ONE qui se penche sur trois domaines dans lesquels les efforts de production régionale progressent.

La pandémie de désinformation : Le pourcentage de personnes qui considèrent que les vaccins sont importants pour les enfants a diminué dans 52 des 55 pays étudiés pendant la pandémie, selon une analyse de l’UNICEF. Même avant la pandémie, l’hésitation vaccinale constituait une menace pour la santé mondiale. L’UNICEF propose des solutions pour lutter contre cela et de rétablir la confiance dans les vaccins, notamment en passant par des personnes respectées, telles que les dirigeants communautaires et religieux et les agents de santé locaux, pour transmettre des messages clairs sur l’importance de la vaccination. Il est également important que les gouvernements prennent des engagements politiques sans équivoque.

Le vaccin contre le paludisme fait parler de lui : Ce mois-ci, le Ghana et le Nigeria sont devenus les premiers pays à approuver le deuxième vaccin antipaludique au monde, le R21. D’autres pays africains pourraient bientôt suivre. L’OMS évalue actuellement la possibilité de préqualifier le vaccin pour une utilisation plus large, ce qui permettrait à Gavi et à l’UNICEF de commencer immédiatement à financer et à acheter des doses pour protéger les enfants dans toute l’Afrique. Cette avancée fait suite à l’approbation par l’OMS, en octobre 2021, du premier vaccin contre le paludisme, le RTS,S (marque déposée Mosquirix). Ce vaccin est déjà en cours de déploiement dans les pays où la charge du paludisme est élevée, avec le soutien de Gavi et de l’UNICEF. L’Afrique représente 96 % des décès dus au paludisme dans le monde, et les enfants de moins de cinq ans représentent environ 80 % des décès dans la région.

Mauvais calcul : La recrudescence mondiale du choléra met en danger plus d’un milliard de personnes et met à rude épreuve l’approvisionnement mondial en vaccins anticholériques. Il ne reste que 37 millions de doses disponibles en 2023. Cette situation a conduit l’OMS à demander aux donateurs 25 millions de dollars pour lutter contre l’épidémie, notamment en fournissant des vaccins d’urgence aux pays prioritaires. Plus de la moitié des pays qui signalent des flambées actives de choléra se trouvent en Afrique. Le choléra tue près de 100 000 personnes chaque année, bien qu’il soit facile à traiter. Seuls trois vaccins contre le choléra sont autorisés par l’OMS, et l’un d’entre eux est en train d’être retiré de la circulation : Sanofi a annoncé en 2020, soit avant la récente vague de choléra, qu’il cesserait de commercialiser son vaccin contre le choléra Shanchol d’ici fin 2023 en raison de la faible demande. On a aussi des bonnes nouvelles : Biovac, un fabricant de médicaments sud-coréen, a annoncé un accord qui permettra de produire des médicaments contre le choléra en Afrique. Mais il faudra encore attendre au moins trois ans avant que les autorités sanitaires et l’OMS n’autorisent la mise sur le marché, ce qui ne permet pas d’envisager un soulagement immédiat de l’épidémie de choléra actuelle.

Vaccin ou pas vaccin : Une autre maladie évitable et traitable ne reçoit pas suffisamment d’attention : la tuberculose. Elle a coûté la vie à 1,6 million de personnes en 2021, en partie parce qu’il n’existe qu’un seul vaccin homologué, dont l’efficacité est modérée. Le développement d’autres vaccins contre la tuberculose ne progresse que lentement, ce que l’OMS attribue au financement insuffisant de la recherche et du développement et au « manque d’engagement de l’industrie ». Pendant ce temps, les sociétés pharmaceutiques dépensent des milliards de dollars pour développer des médicaments comme le Viagra et le Botox pour le traitement de conditions bénignes. L’OMS prévoit de créer un Accélérateur de Vaccins contre la tuberculose pour redynamiser le processus. Les dirigeants du monde entier se rencontreront en septembre pour une réunion de haut niveau sur la tuberculose: espérons qu’ils s’engageront et investiront les 10 milliards de dollars nécessaires au développement de vaccins plus efficaces contre la tuberculose.

Moins c’est mieux : Les taux de vaccination contre le papillomavirus sont passés de 25 % à 15 % entre 2019 et 2021 en raison de problèmes d’approvisionnement et d’une demande accrue pour la première dose. Mais les nouvelles lignes directrices de l’OMS pourraient remédier à cette situation : elle recommande désormais d’administrer une ou deux doses de vaccin au lieu de deux ou trois. Les papillomavirus sexuellement transmissibles sont responsables de 95 % des cas de cancer du col de l’utérus, qui est le quatrième type de cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde. En Afrique, le taux de mortalité lié au cancer du col de l’utérus est trois fois plus élevé que la moyenne mondiale. Pourtant, seule une femme ou fille sur huit est complètement vaccinée dans le monde, bien que 60 % des États membres de l’OMS incluent le vaccin contre le papillomavirus dans leur programme national de vaccination de routine. Le Serum Institute of India a lancé son vaccin contre le papillomavirus en janvier, ce qui, espérons-le, contribuera à atténuer les pénuries d’approvisionnement. 🤞

L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION : 

      • L’Afrique ne produit que 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais elle fait partie des 1ères victimes du changement climatique. Découvrez notre campagne pour demander aux dirigeants qui seront présents au Sommet de Paris pour un « Nouveau Pacte Financier avec les Pays du Sud » des 22 et 23 juin prochains de redéfinir les règles du jeu.
      • A lire dans Lille Actu, le portrait de Houda et Manon, deux jeunes Ambassadrices de ONE dans le nord de la France.

LES CHIFFRES :

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