Alors qu’un cinquième de la population mondiale vit dans les 25 pays les plus exposés au risque de surendettement, l’édition de cette semaine d’Ondes de choc se penche sur l’impact que les réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale pourraient avoir sur la multitude de crises auxquelles le monde est confronté.
ACTUALITES
Que des efforts et pas de réconfort : Des jours économiques « très douloureux » s’annoncent, prédit le FMI, avec une croissance mondiale qui tombera à 2,7 % en 2023 : c’est moins que les 3,2 % de cette année et les 6 % de l’année dernière. Il s’agit de la croissance la plus faible depuis 2001, exception faite de la crise financière mondiale de 2008 et de la pandémie de COVID-19. Les experts préviennent que « le pire est à venir » : il y a 25 % de chances que la croissance annuelle passe en dessous de 2 %, ce qui n’a été le cas que sur cinq des cinquante dernières années. 👀
Patate chaude : Cette semaine, le PNUD a présenté un plan urgent de restructuration de la dette de 54 pays présentant le plus grand risque de surendettement, et a mis en garde contre le risque de faire « trop peu et trop tard ». Les négociations permettraient de relancer le cadre commun du G20, bloqué depuis longtemps. Pourquoi maintenant ? Le coût « terrible » causé par l’inaction dans ces pays – où vit plus de la moitié de la population mondiale – devrait être une raison suffisante, mais il y a aussi une question de profit : les obligations de beaucoup de ces pays se négocient à des prix très bas, ce qui devrait rendre les créanciers privés plus ouverts aux négociations si les gouvernements des principaux créanciers proposent des contreparties financières. Des militants peu convaincus ont fait irruption dans un groupe de discussion sur la restructuration de la dette au siège du FMI, demandant l’annulation totale de la dette.
Être à la hauteur ? Des actionnaires importants, dont tous les pays membres du G7, font pression sur la Banque mondiale pour qu’elle procède à des réformes qui aideraient les pays vulnérables à relever les défis internationaux, notamment celui du dérèglement climatique. Le président de la Banque mondiale, David Malpass, qui a fait parler de lui le mois dernier en éludant une question sur le fait que les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine sont la cause du réchauffement climatique (il a reconnu par la suite que c’était le cas), a souligné que la Banque mondiale devait travailler rapidement pour permettre aux pays à revenu faible de mieux relever les défis climatiques. Dans le même temps, le G24 a approuvé les réformes des Banques multilatérales de développement qui pourraient débloquer jusqu’à mille milliards de dollars de financements supplémentaires et qui, selon S&P Global Ratings, ne déclencheraient pas de dégradation des notes de crédit. À vous de jouer, dirigeants du G20 et équipes de direction des BMD !
Un cadeau pour vous : Cette semaine, nous lançons data.one.org, une nouvelle plateforme proposant des données en temps réel sur les conséquences des crises mondiales sur les pays africains, et des informations sur la façon dont ces derniers réagissent. Poussés par notre volonté de lutter contre l’injustice, nous avons décidé de transformer notre frustration en analyses plus pertinentes pour vous aider à comprendre le monde et, en fin de compte, à le changer. Allez faire un tour sur data.one.org dès maintenant et ajoutez le à vos Favoris.
Dilemme de débiteur : La Banque mondiale a suggéré aux dirigeants africains de réorienter leurs dépenses publiques vers l’agriculture, l’éducation et les soins de santé dans un contexte économique difficile, ce qui serait un conseil judicieux, s’ils avaient l’argent. Mais comme le souligne la Banque mondiale elle-même, la dette a atteint près de 60 % du PIB en Afrique subsaharienne, et les gouvernements se serrent la ceinture pour faire face aux multiples crises. Le service de la dette coûtera probablement 64 milliards de dollars aux pays africains cette année. Paradoxalement,le soutien de la Banque mondiale et du FMI à ces pays semble diminuer. Il s’agit toutefois davantage d’une question de demande que d’offre. Les experts soupçonnent que les conditions de crédit freinent la demande de prêts au FMI et à la Banque mondiale.
Les paiements annuels du service de la dette des pays africains ont quadruplé depuis 2010
Santé détériorée : Les dépenses de santé de près de la moitié des pays à revenu faible ont souffert malgré une situation d’urgence sanitaire mondiale. Cela s’explique en partie par les coupes dans les budgets d’aide au développement des pays riches, comme le montre une analyse portant sur 161 pays. Près de la moitié des pays ont réduit leurs dépenses en matière de protection sociale, et 7 800 milliards de dollars supplémentaires de réductions des financements publics sont prévus compte tenu de l’augmentation de la dette. Si seulement des mesures pouvaient être prises pour soutenir les efforts des pays vulnérables afin de protéger leurs citoyens des multiples crises, qu’ils n’ont pas eux-mêmes provoquées, comme par exemple la réorientation des 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux du FMI promis de longue date mais non honorés. ¯_(ツ)_/¯
Reconnaissance de dettes en DTS : En parlant de droits de tirage spéciaux, 140 organisations de la société civile ont demandé une nouvelle émission d’un montant de 650 milliards de dollars pour aider les pays vulnérables à faire face aux crises alimentaire et énergétique. Les représentants du FMI ont déclaré qu’il était peu probable qu’une telle émission ait lieu, compte tenu de l’incapacité persistante à réacheminer les DTS existants. Jusqu’à présent, les dirigeants se sont engagés à réorienter 75 milliards de dollars de DTS, mais la mise en œuvre est loin d’être terminée. Le FMI a par ailleurs lancé son Fonds pour la résilience et la durabilité afin de permettre aux pays d’acheminer leurs engagements de DTS. Il n’y a donc plus aucun obstacle pour les pays qui ne se sont pas encore engagés (Irlande, Norvège, Portugal, Suède, Danemark, Finlande). 🚦
Admirer le problème : Face à une famine imminente dans la Corne de l’Afrique, à la triste réalité qu’une personne sur dix souffre de la faim dans le monde et aux efforts d’aide lamentablement sous-financés, les ministres des Finances et de l’Agriculture du G20 ont pris cette semaine la décision courageuse de « dresser un inventaire des mesures politiques prises pour faire face à la crise de la faim », c’est-à-dire de regarder simplement ce qui se fait déjà. Les résultats seront partagés lors des réunions de printemps en avril 2023, démontrant un niveau d’urgence (in)inspirant dans un moment de crise où une personne meurt de faim toutes les quatre secondes.
Chers amis : La Russie a dû faire face à une large condamnation de ses actions en Ukraine lors d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU. Seuls 5 pays (la Biélorussie, le Nicaragua, la Corée du Nord, la Syrie et la Russie elle-même) ont voté contre la résolution, avec 143 votes de soutien et 35 abstentions. 19 pays africains se sont abstenus, la plupart d’entre eux dépendant de la Russie pour leur approvisionnement en armes. Cinq pays africains (Angola, Guinée-Bissau, Madagascar, Maroc et Sénégal) qui n’avaient pas soutenu la résolution du 2 mars condamnant l’invasion russe en Ukraine, ont voté en faveur de la résolution de cette semaine.
L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION :
- Allez voir le site data.one.org, notre nouvelle plateforme en ligne qui fournit les données et les analyses les plus récentes sur les grands thèmes qui touchent l’Afrique.
- ONE en France a publié une nouvelle vidéo sur la hausse de l’extrême pauvreté et de l’insécurité alimentaire.
- Retrouvez le compte-rendu quotidien des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale par David McNair, Directeur expertise de ONE, avec les principaux sujets abordés et ce qui s’est passé jusqu’à présent.
- Lekan Otufodunrin, journaliste et consultant pour ONE, se penche sur le rôle du Nigeria dans la mise en place de solutions mondiales face au dérèglement climatique.
- La campagne Jobs Now Africa de ONE appelle à la création de 15 millions nouveaux emplois chaque année jusqu’en 2025.
LES CHIFFRES :
- 5 ans : Le nombre d’années souvent nécessaires pour se remettre d’une vague de défauts de paiement.
- 5 % : La part de la nouvelle allocation de DTS accordée aux pays à revenu faible pendant la pandémie, contre 61 % aux économies avancées.
- 27 % : La part de l’APD susceptible d’être allouée à l’accueil des réfugiés dans les pays donateurs cette année, en grande partie à cause de la guerre en Ukraine.