Selon l’ONU, sous l’effet des conflits, des chocs économiques et des catastrophes climatiques, l’insécurité alimentaire s’est encore aggravée dans le monde. En 2022, ce sont près de 258 millions de personnes qui ont eu besoin d’une aide alimentaire d’urgence contre 193 millions en 2021.
Faim dans le monde : pourquoi est-elle toujours d’actualité en 2023 ?
Selon un rapport publié le 23 mai 2023 par les Nations Unies, l’insécurité alimentaire aiguë risque d’augmenter en ampleur et en gravité dans 18 « points chauds » de la faim dans le monde. Ces 18 points chauds comprennent un total de 22 pays.
« L’envolée des prix des aliments, du carburant et des engrais que nous constatons à l’échelle planétaire à cause de la crise en Ukraine menace de plonger des pays du monde entier dans la famine. Il s’ensuivra une déstabilisation mondiale, des privations alimentaires graves et des migrations de masse d’une ampleur inédite. Nous devons agir dès aujourd’hui pour éviter la catastrophe qui se profile.» M. David Beasley, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM).
Le rapport, publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le PAM, souligne le risque d’un débordement de la crise soudanaise, augmentant le risque d’impacts négatifs dans les pays voisins. En effet, on estime que plus d’un million de personnes devront fuir le Soudan tandis que 2,5 millions de personnes supplémentaires à l’intérieur du Soudan devront faire face à une faim aiguë dans les mois à venir. De plus, le rapport avertit que le phénomène météorologique El Niño fait craindre des extrêmes climatiques dans les pays vulnérables du monde entier.
Les causes de la famine dans le monde
Les conflits, les extrêmes climatiques et les chocs économiques aggravent l’insécurité alimentaire dans de très nombreuses régions du monde.
La pauvreté est l’un des principaux facteurs contribuant à la faim dans le monde. De nombreuses personnes n’ont pas les moyens financiers de se procurer suffisamment de nourriture. Les inégalités économiques, le chômage, le manque d’accès à l’éducation et aux opportunités économiques limitent souvent la capacité des individus à avoir accès à la nourriture et à se nourrir convenablement.
Les conflits armés, les guerres civiles et les instabilités politiques ont des conséquences dévastatrices sur la sécurité alimentaire. Les populations affectées par les conflits sont souvent déplacées de force, privées d’accès aux terres cultivables, au bétail, aux marchés alimentaires et à l’aide humanitaire. Les infrastructures essentielles telles que les systèmes d’approvisionnement en eau et les installations agricoles sont le plus souvent détruites.
Les événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses, les inondations, les ouragans et les vagues de chaleur ont un impact direct sur la production alimentaire. Les agriculteurs subissent des pertes de récoltes, les pâturages deviennent improductifs, les ressources en eau s’épuisent, ce qui entraîne une tension sur les marchés et un accès difficile à la nourriture pour des pays dépendant des importations.
Dans de nombreuses régions, l’accès aux terres agricoles, à l’eau, aux semences de qualité, aux engrais, aux outils agricoles et aux marchés est limité. Les petits agriculteurs et les communautés rurales défavorisées ont souvent du mal à obtenir les ressources nécessaires pour produire suffisamment de nourriture et la commercialiser efficacement.
Les fluctuations financières impactent les prix des denrées alimentaires et rendent l’accès à une alimentation équilibrée et de qualité difficile pour les populations vulnérables. Les augmentations soudaines des prix alimentaires peuvent rendre les aliments de base inabordables pour de nombreuses personnes à faible revenu.
Enfin, les systèmes alimentaires mondiaux sont souvent inefficaces, et les pertes et le gaspillages sont importants à tous les stades : production, transformation, distribution et consommation. Une mauvaise gestion des ressources et une distribution inégale des aliments contribuent à la persistance de la faim.
Les chiffres de la famine dans le monde
Selon un rapport publié conjointement par la FAO, le Fonds international de développement agricole (FIDA), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le PAM et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), voici les derniers chiffres clés publiés sur la famine et l’insécurité alimentaire dans le monde.
- Jusqu’à 828 millions de personnes souffraient de la faim en 2021 – soit 46 millions de plus qu’un an auparavant et 150 millions de plus qu’en 2019.
- En 2021, quelque 2,3 milliards de personnes (29,3% de la population mondiale) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave – soit 350 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie de COVID‑19.
- Près de 924 millions de personnes (11,7% de la population mondiale) étaient confrontées à une insécurité alimentaire grave, soit une augmentation de 207 millions de personnes en deux ans.
- En 2021, l’écart entre les femmes et les hommes en ce qui concerne l’insécurité alimentaire s’est encore accentué: 31,9% des femmes dans le monde étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 27,6% des hommes – un écart de plus de 4 points de pourcentage, contre 3 points de pourcentage en 2020.
- En 2020, près de 3,1 milliards de personnes ne pouvaient pas se permettre une alimentation saine. Une augmentation de 112 millions par rapport à 2019 qui s’explique par l’inflation des prix à la consommation des produits alimentaires provoquée par les répercussions économiques de la pandémie de COVID‑19 et des mesures mises en place pour l’endiguer.
- On estime que 45 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent d’émaciation, la forme la plus mortelle de malnutrition, qui peut multiplier par 12 le risque de décès chez les enfants.
- 149 millions d’enfants de moins de 5 ans présentaient en 2020 un retard de croissance et de développement en raison d’un manque chronique de nutriments essentiels dans leur alimentation, et 39 millions étaient en surpoids.
Quels sont les pays les plus touchés par la famine dans le monde ?
Actuellement, et toujours selon le dernier rapport de la FAO et du PAM, les pays où le niveau d’alerte est le plus élevé sont : l’Afghanistan, le Nigéria, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen.
Haïti, le Sahel (Burkina Faso et Mali) et le Soudan ont été élevés au plus haut niveau de préoccupation. Cela est dû aux sévères restrictions de mouvement des personnes et des biens au Burkina Faso, en Haïti et au Mali, et au récent déclenchement du conflit au Soudan.
La République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, le Kenya, le Pakistan et la Syrie sont des “points chauds” très préoccupants, et l’alerte est également étendue au Myanmar. Tous ces « points chauds » comptent un grand nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë critique, associée à une détérioration des facteurs qui devraient encore aggraver les conditions potentiellement mortelles dans les mois à venir.
Le Liban a été ajouté à la liste des “points chauds”, rejoignant le Malawi et l’Amérique centrale (El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua).
Étant donné leur niveau d’insécurité alimentaire passé, et si on prend en compte les facteurs aggravants liés aux conflits et aux dérèglements climatiques, l’ensemble de ces pays ont des communautés confrontées ou susceptibles d’être confrontées à la famine, ou risquent de glisser vers des conditions catastrophiques. Ces “points chauds” nécessitent l’attention la plus urgente.
Comment lutter contre la famine dans le monde ?
Pour éviter une nouvelle détérioration de la faim et de la malnutrition aiguës, le rapport de la FAO et du PAM fournit des recommandations concrètes spécifiques à chaque pays sur les priorités d’une intervention d’urgence immédiate pour sauver des vies, prévenir la famine et protéger les moyens de subsistance, ainsi que des mesures d’anticipation.
L’action humanitaire est essentielle pour prévenir la famine et la mort. Le rapport souligne également l’importance de renforcer l’action anticipative dans l’aide humanitaire et l’aide au développement, en veillant à ce que les aléas prévisibles ne se transforment pas en véritables catastrophes humanitaires.
Face aux prévisions inquiétantes, l’ONU a appelé à un changement de paradigme en faveur d’une meilleure prévention, d’une meilleure anticipation et d’un meilleur ciblage pour s’attaquer aux causes profondes des crises alimentaires, plutôt que de répondre à leurs impacts lorsqu’elles se produisent. Du point de vue du développement, il est de la plus haute importance d’augmenter les investissements de base pour s’attaquer aux causes profondes des crises alimentaires et de la malnutrition infantile.
Qui sont les personnes touchées par la famine ?
Les populations les plus affectées par la famine dans le monde sont majoritairement les populations qui sont en première ligne lors des conflits, et qui sont contraintes de quitter leur foyer afin de fuirla violence. Ce sont également ces personnes qui sont affectées très durement par les catastrophes climatiques, comme le montre un rapport d’Oxfam intitulé La faim dans un monde qui se réchauffe : dix des pays les plus sensibles aux risques climatiques, à savoir la Somalie, Haïti, Djibouti, le Kenya, le Niger, l’Afghanistan, le Guatemala, Madagascar, le Burkina Faso et le Zimbabwe, ont été frappés par des phénomènes météorologiques extrêmes de manière répétée au cours des deux dernières décennies.
Les habitants des pays les moins responsables de la crise climatique sont ceux qui en subissent le plus les conséquences et qui ont le moins de ressources pour y faire face.