Alors que la courbe de la faim était en baisse dans le monde depuis des décennies, on observe depuis 2019 une remontée alarmante. En effet, des millions de personnes dans le monde continuent de souffrir de la faim. Ainsi, les dirigeants de cinq organisations internationales humanitaires, financières et commerciales, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont appelé début 2023 à une mobilisation urgente pour éviter l’aggravation de la crise alimentaire et nutritionnelle mondiale. Ensemble, ils appellent à secourir les « points chauds de la faim » et à faciliter le commerce, entre autres mesures.
Alors que près de 350 millions de personnes dans 79 pays souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, la sous-alimentation est elle aussi en augmentation. Le contexte international d’inflation alimentaire est grandissant. Alors même que les pays les plus pauvres peinent à se relever des conséquences de la pandémie de COVID-19, ils doivent faire face à de nouveaux défis découlant de l’urgence climatique ou des répercussions des conflits internationaux. L’ensemble des perturbations de la chaîne d’approvisionnement ainsi que la hausse des taux d’intérêt mettent à mal l’équilibre de nombreux pays dans le monde.
Selon un rapport de l’ONU, la situation devrait devenir plus sévère dans les années à venir car les disponibilités alimentaires mondiales vont tomber à leur niveau le plus bas en trois ans. Les besoins sont particulièrement criants dans 24 pays identifiés comme des « points chauds de la faim », dont 16 se trouvent en Afrique. A titre d’exemple, l’ONU estime que près de 25 millions de Nigérians dont 6 millions d’enfants de moins de 5 ans risquent d’être confrontés à la faim entre juin et août 2023, période de soudure, (période qui sépare la fin de la consommation de la récolte de l’année précédente et l’épuisement des réserves des greniers, de la récolte suivante) si des mesures urgentes ne sont pas prises.
Comment définit-on une crise alimentaire ?
Selon la FAO, une personne est en situation d’insécurité alimentaire lorsqu’elle n’a pas un accès régulier à suffisamment d’aliments sains et nutritifs pour une croissance et un développement normaux ainsi qu’une vie active et saine. Cela peut être dû à l’indisponibilité de nourriture et/ou au manque de ressources pour se procurer de la nourriture. L’insécurité alimentaire peut être ressentie à différents niveaux de gravité. La FAO mesure l’insécurité alimentaire et trois niveaux sont observés : insécurité alimentaire légère, modérée ou grave.
Depuis 2022, la guerre en Ukraine, qui est un pays souvent évoqué comme étant le « grenier à blé de l’Europe », a été un révélateur de la crise alimentaire mondiale. Les coûts ont augmenté, les ressources ont baissé, et de nombreux pays ont été impactés par l’arrêt ou la perturbation des chaînes de production.
Quels sont les facteurs qui provoquent une crise alimentaire ?
Conflits, inflation, baisse de la production mondiale, dérèglement climatique, événement sanitaire sont autant de facteurs qui provoquent une crise alimentaire surtout si ceux-ci sont combinés.
Les conflits sont généralement la cause principale d’une crise alimentaire, et le PAM estime que 70% des personnes souffrant de la faim dans le monde vivent dans des régions touchées par la guerre et la violence. De plus, les effets du dérèglement climatiques sont de plus en plus forts, et sont également l’une des principales causes de la forte augmentation de la faim dans le monde. Les chocs climatiques détruisent des vies, des récoltes, déciment le bétail ainsi qu’une grande partie des moyens de subsistance. Les populations ne sont ainsi plus en capacité de pouvoir se nourrir elles-mêmes.
De plus, le PAM estime qu’à cause de la guerre en Ukraine, les prix mondiaux des engrais ont grimpé plus vite que les prix des denrées alimentaires, qui restent eux-mêmes à leur plus haut niveau depuis dix ans. En effet, la hausse des prix du gaz naturel impacte fortement la capacité de produire et d’exporter ces engrais.
C’est pourquoi le PAM estime que les prix élevés des engrais pourraient transformer la crise actuelle de l’accessibilité alimentaire en une crise de la disponibilité alimentaire.
Pourquoi la crise alimentaire actuelle est-elle mondiale ?
Les facteurs de la crise alimentaire actuelle sont internationaux, rendant de fait cette crise alimentaire mondiale. Les effets du conflit en Ukraine et l’inflation impactent de très nombreux pays, et les effets du dérèglement climatique ne se cantonnent pas aux pays qui émettent la plus grande part d’émission de carbone. D’autre part, on estime que les pays les plus durement touchés par la crise climatique sont parmi les plus pauvres : le Bangladesh, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, Haïti, le Soudan, le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Cambodge, les Philippines et l’Ethiopie.
Quels sont les scénarios et solutions pour sortir de cette crise ?
Plusieurs scénarios existent pour mettre fin à la crise alimentaire mondiale. Mais on remarque qu’un problème fondamental demeure et doit être traité afin de sortir durablement de cette crise : la lutte contre la pauvreté et l’insuffisance des revenus.
Selon l’OCDE, même lorsque les marchés sont tendus, la nourriture existe en quantité suffisante, mais beaucoup n’ont pas les moyens d’en acheter. La réduction durable de la faim dans le monde exige une croissance générale des revenus.
Le développement de l’agriculture est essentiel pour produire les revenus nécessaires à la sécurité alimentaire. En effet, entre la moitié et les deux tiers des populations les plus pauvres vivent en zone rurale, où l’agriculture prédomine. La plupart des activités agricoles sont le fait de petits exploitants, pour lesquels le contexte de prix élevés crée bien plus d’opportunités qu’auparavant de développer des activités commercialement viables.
Aussi, face aux impacts du dérèglement climatique, il est essentiel d’investir dans une agriculture résiliente afin d’accroître les récoltes futures. L’intensité et l’imprévisibilité croissantes des événements climatiques aggravent l’insécurité alimentaire, et les pays à revenu faible, notamment en Afrique subsaharienne, sont les moins bien préparés pour faire face aux effets du changement climatique.
Les solutions proposées doivent être adaptées aux circonstances nationales, en mettant l’accent sur des mesures peu coûteuses et à fort impact, comme investir dans de nouvelles variétés de cultures, améliorer la gestion de l’eau et partager les bonnes pratiques.
Quelle est la situation en Afrique ?
L’Afrique est l’un des continents les plus touchés par la crise alimentaire actuelle, et notamment en Afrique subsaharienne et dans la Corne de l’Afrique, partie nord-est du continent composée de la Somalie, de l’Éthiopie et du Kenya. Dans le même temps, nombre de ces pays sont en situation d’insécurité alimentaire, ce qui inquiète la communauté internationale puisque beaucoup ont connu quatre saisons particulièrement sèches, et qu’une cinquième saison consécutive de sécheresse devrait se poursuivre entre mars et mai 2023.
Si nous voulons stopper la crise alimentaire mondiale, il faut agir immédiatement. C’est pourquoi ONE appelle les dirigeants et dirigeantes à :
- Financer urgemment l’aide humanitaire pour celles et ceux que la famine ou la malnutrition aiguë menacent;
- Veiller à ce que l’accès, le commerce et la circulation des denrées alimentaires et des intrants essentiels, comme les engrais, soient équitables et libres ;
- Investir en vue d’accroître la production alimentaire dans les pays vulnérables ;
- Financer et mettre en œuvre des politiques d’adaptation au dérèglement climatique.