Plusieurs entreprises pharmaceutiques – Pfizer/BioNtech, Moderna ou encore Oxford/AstraZeneca – ont récemment annoncé l’efficacité de leurs candidats-vaccins contre le COVID-19. Cependant, la pandémie ne s’arrêtera pas à la découverte du futur vaccin – mais seulement une fois que tout le monde y aura accès.
Accès équitable au vaccin : rien n’est gagné d’avance
La France s’est engagée à faire du vaccin contre le COVID-19 un « bien public mondial », c’est-à-dire faire en sorte que les futurs vaccins et traitements soient disponibles à des prix abordables pour toutes et tous, indépendamment de la richesse ou de la nationalité. Car dans un premier temps, les traitements et les vaccins ne seront pas disponibles en quantité suffisante pour couvrir l’ensemble de la demande mondiale. Un accès équitable suppose une coopération mondiale pour garantir que les traitements et vaccins soient bien répartis au sein et entre les pays.
Pour l’instant, l’histoire n’a pas montré l’exemple : quand un nouveau médicament ou vaccin est rendu disponible dans un pays développé, les pays en développement doivent généralement attendre jusqu’à 7 ans pour l’obtenir en raison de prix élevés, d’une faible capacité de production et d’un accès limité aux brevets et autres droits de propriété intellectuelle. Et le vaccin contre le COVID-19 risque de ne pas faire exception : les pays riches, qui ne représentent que 13% de la population mondiale, ont déjà précommandé plus de la moitié des doses !
Le rôle des entreprises pharmaceutiques : partage du savoir et exigences de transparence
C’est là que de nouveaux acteurs puissants entrent en jeu : les entreprises pharmaceutiques. Celles-ci contrôlent toujours les aspects de la production, de la fixation des prix et de la distribution des futurs vaccins et traitements.
Que ce soit en investissant dans le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre le COVID-19 (ACT-A), en s’engageant à partager des connaissances et leur savoir-faire, ou en faisant avancer la coopération multilatérale à ce sujet, les grandes entreprises pharmaceutiques mondiales pourraient devenir des moteurs essentiels en contribuant à éradiquer le plus rapidement possible cette pandémie.
Plusieurs leviers d’action sont à portée de ces entreprises, mais ONE en a identifié deux qui sont particulièrement fondamentaux :
- Les entreprises pharmaceutiques doivent partager les savoirs et les droits de propriété intellectuelle
Le concept est simple : plus le savoir-faire et les brevets liés au vaccin seront mis à disposition du plus grand nombre, plus l’offre sera en mesure de répondre à la demande et nous pourrons en finir avec cette pandémie. Les droits de propriété intellectuelle sont un moteur fondamental de l’innovation pharmaceutique, mais les résultats, les savoir-faire et les données qui ont été obtenus grâce à des investissements publics ne devraient pas être exclusivement la propriété d’acteurs privés. De la même manière que les investisseurs privés attendent un retour sur les investissements privés risqués, les contribuables, eux, attendent un retour sur les investissements publics. Des millions de vies étant en jeu, la santé des populations doit passer avant les profits.
Apprenons des erreurs du passé : nous savons que le refus du partage de la propriété intellectuelle peut être un obstacle majeur à l’accès aux médicaments, comme l’a illustré la pandémie du SIDA. En effet, plus de 7 millions de décès auraient pu être évités en Afrique subsaharienne si des traitements ARV génériques avaient été produits plus tôt. Aujourd’hui, face à ce nouveau virus, nous appelons les entreprises pharmaceutiques à signer l’Appel à la solidarité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui appelle à élargir l’accès aux droits de propriété intellectuelle. Ces entreprises doivent ainsi rejoindre les efforts des États, des ONG et des organisations intergouvernementales qui ont déjà signé cet appel.
- Les entreprises pharmaceutiques doivent rendre leurs activités plus transparentes
Certains traitements contre le COVID-19 sont d’ores et déjà vendus à des prix très élevés malgré le fait qu’une grande partie des financements nécessaires à leur développement soit de l’argent public. Sans transparence, nous ne savons pas si ces prix élevés sont justifiés. À l’avenir, tous les engagements financiers publics pour les vaccins et les traitements doivent être assortis de garanties qui veilleront à maintenir l’accessibilité financière, comme l’obligation de vendre le vaccin à prix coûtant, afin que les produits ne soient pas exploités à des fins lucratives. La transparence des prix sera alors nécessaire pour vérifier que ces engagements sont tenus.
La transparence des contrats bilatéraux passés avec les pays est aussi cruciale notamment sur les prix fixés, les modèles d’approvisionnement et les capacités de production. Cela permettra d’éviter la concurrence entre les différentes initiatives et de proposer les mêmes produits aux mêmes coûts aux populations et aux différents pays.
Encourageons les entreprises pharmaceutiques à agir
Ces conditions sont cruciales pour éviter que le futur vaccin soit seulement réservé aux pays riches, et pour en faire un véritable bien public mondial. Un accès au vaccin à deux vitesses ne sera pas efficace pour éradiquer la pandémie. C’est pourquoi il faut s’assurer que les entreprises pharmaceutiques jouent leur rôle pour en développer l’accès auprès des populations les plus vulnérables.
Depuis le début de la crise sanitaire, chacun et chacune contribue à l’effort collectif pour lutter contre ce virus – que ce soient les soignants qui travaillent en première ligne, les scientifiques qui développent la recherche médicale, les gouvernements qui font preuve de courage politique, ou encore les populations qui suivent les conditions sanitaires pour ralentir la propagation.
Il est maintenant temps que le secteur privé contribue aussi à l’effort collectif.
Pour accéder à nos demandes complètes auprès des entreprises pharmaceutiques, consultez notre rapport.