Depuis 2013, une directive européenne oblige les entreprises du secteur extractif (entreprises pétrolières, gazières et minières) à être plus transparentes en publiant les paiements qu’elles versent aux gouvernements des pays dont elles exploitent les ressources. Cette directive a été transposée dans le droit français et les entreprises extractives ont publié pour la première fois en 2016 ces données de façon publique.
ONE, Oxfam France et Sherpa se sont penchés sur les informations de six entreprises françaises (Areva, EDF, Engie, Eramet, Maurel&Prom et Total) pour les analyser. Ce rapport, intitulé « La transparence à l’état brut : décryptage de la transparence des industries extractives », montre l’avancée que représente cette directive en permettant l’accès à et l’analyse de ces données par la société civile. Mais il montre aussi les failles et les incohérences qui rendent l’analyse difficile. Ce rapport met également en avant des irrégularités dans les comptes de certaines entreprises, dont l’origine est cependant difficile à évaluer en raison de ces failles.
Un accès difficile et des informations incomplètes
Le rapport met notamment en évidence trois pistes d’amélioration pour la directive :
- Améliorer l’accès aux informations : celles-ci sont difficiles à trouver et sont publiées dans des formats non exploitables, à savoir en PDF. Le rapport demande ainsi que ces nouvelles données soient publiées dans un registre centralisé et au format ouvert.
- Apporter plus d’informations contextuelles sur les activités des entreprises dans les pays concernés, ce qui permettrait de mieux comprendre et d’analyser les données publiées.
- Améliorer la qualité des informations fournies : il manque par exemple des précisions sur les définitions utilisées pour les paiements ou encore sur la conversion des devises.
Deux cas passés au crible
Dans un secteur souvent frappé par les soupçons de détournement de fonds, de corruption et d’évasion fiscale, le rapport détaille tout particulièrement des irrégularités qui concernent l’entreprise Total, à travers son activité en Angola, et l’entreprise Areva au Niger.
Concernant Total, l’analyse a permis de relever un écart de plus de 100 millions de dollars en 2015 entre les sommes déclarées par l’Angola et celles déclarées par Total. Plusieurs hypothèses sont mises en avant pour expliquer cette irrégularité : une mauvaise compréhension des données à publier, un détournement de la part de la compagnie pétrolière angolaise ou encore la mise en place d’un prix de transfert par Total qui pourrait lui permettre de payer moins d’impôts en Angola. Mais le manque d’information ne permet pas d’en connaître la raison exacte.
Concernant Areva, l’analyse montre que les négociations qui ont eu lieu en 2014 n’ont pas entraîné l’augmentation des versements financiers d’Areva liées à l’exploitation de l’uranium, contrairement à ce qui était attendu par la société civile. Une nouvelle méthode de calcul de sa redevance pourrait potentiellement en être la cause, ce qui aurait pu faire perdre près de 15 millions d’euros au Niger en 2015. Les exportations d’uranium par Areva du Niger vers France pourraient également avoir été sous-évaluées par rapport aux prix pratiqués, ce qui aurait pu réduire davantage le montant des contributions d’Areva.
Ce rapport illustre bien la nécessité d’avoir accès à ce type de données et le rôle essentiel de la société civile dans la vérification des informations et dans la lutte contre la corruption, l’optimisation et l’évasion fiscale. L’Union européenne doit cependant améliorer cette directive afin d’aller jusqu’au bout de la démarche de transparence. Cela permettra aux citoyens et à la société civile de faire le suivi de l’argent et aux pays les plus pauvres d’augmenter leurs revenus et de financer leur propre développement.