Dans le contexte mondial actuel, la sécurité alimentaire et la nutrition sont mises à rude épreuve. Changement climatique, guerres, et crises économiques viennent faire vaciller les efforts mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les problèmes de nutrition.
Atteindre l’Objectif de Développement Durable des Nations Unies (ODD) numéro 2 en 2030 qui vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable semble de plus en plus complexe.
Alors que la situation internationale s’embrase et que le conflit en Ukraine perdure, la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest est déjà mise à mal par la crise sanitaire dûe au COVID-19.
Alors que la flambée des prix est annoncée pour durer en 2023, cette crise modifie durablement la stabilité du commerce et des productions alimentaires mondiales, ce qui aggrave l’insécurité alimentaire, l’inflation et donc l’accès à l’alimentation de nombreuses populations, notamment en Afrique.
Les agences internationales alertent déjà. Sur les marchés du Sahel et d’Afrique de l’Ouest les prix augmentent fortement : pétrole, riz, blé, produits alimentaires de première nécessité subissent des hausses brutales directement liées aux cours internationaux.
Une fois de plus, ce sont les ménages les plus pauvres qui subissent de plein fouet les conséquences. Selon les données de la Banque mondiale, le prix du blé a augmenté de 60 % entre janvier 2021 et début juin 2022.
Du côté de l’agriculture, le prix des engrais a également fortement augmenté depuis le début du conflit en Ukraine. Ainsi, de nombreux agriculteurs ne sont plus en capacité de pouvoir en utiliser, ce qui impacte fortement leur production et ainsi les coûts sur les marchés alimentaires.
Les défis sont immenses pour les personnes les plus vulnérables, à savoir celles qui disposent d’un patrimoine restreint, de revenus plus faibles et plus instables, et d’un accès plus limité aux services de base essentiels.
Qu’est-ce que la sécurité alimentaire ?
Selon la définition du Comité de la sécurité alimentaire mondiale des Nations Unies, une personne est en situation de « sécurité alimentaire » lorsqu’elle a la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive lui permettant de satisfaire ses besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.
Les quatre piliers de la sécurité alimentaire sont la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité. La dimension nutritionnelle fait partie intégrante du concept de sécurité alimentaire.
L’ODD 2 mis en place par les Nations Unies appelle à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable d’ici à 2030. Ce sont là des défis considérables pour l’ensemble de la planète, qui appellent une coopération internationale et des réformes.
Cet ODD appelle à la mise en place de systèmes collaboratifs de production alimentaire et de pratiques agricoles durables et résilientes. Enfin, cet objectif de développement durable ne pourra être atteint que si les cibles de plusieurs autres ODD sont également atteintes.
Quels sont les moyens pour assurer la sécurité alimentaire en Afrique ?
La plupart du temps, le soutien public actuellement apporté à l’alimentation et à l’agriculture est inéquitablement réparti, il entraîne des distorsions des marchés et il est préjudiciable à l’environnement. De plus, les subventions agricoles occidentales ou le changement climatique restent largement hors du contrôle des pays africains.
Pourtant il est possible d’allouer des budgets et de mettre en place des politiques agricoles qui soient plus efficaces et plus efficientes afin de rendre l’alimentation plus abordable, plus durable et plus inclusive. Le tout en veillant à ne laisser personne de côté.
Les gouvernements africains doivent ainsi prendre des mesures concrètes pour transformer le secteur agricole et renforcer la sécurité alimentaire nationale. Avec des terres agricoles abondantes, des ressources en eau inexploitées et une main-d’œuvre peu coûteuse, l’Afrique a le potentiel pour se nourrir.
Il est donc primordial de développer l’autosuffisance et de réduire à tout prix les importations alimentaires. En effet, l’Afrique possède un quart des terres arables, des terres qui peuvent être labourées et cultivées, de la planète, mais elle ne représente que 10% de la production agricole mondiale. Depuis 2012, l’Afrique subsaharienne a importé pour 40 à 50 milliards de dollars par an de denrées alimentaires. Elle est ainsi tributaire de l’inflation galopante actuelle. L’augmentation de la production contribuerait à stimuler le PIB dont près d’un quart provient déjà de l’agriculture en Afrique subsaharienne.
En parallèle, l’Afrique doit pouvoir soutenir ses investissements dans l’agriculture. Ceux-ci sont deux à trois fois plus efficaces pour réduire la pauvreté que les investissements dans d’autres secteurs.
Autre moyen de renforcer la sécurité alimentaire : dynamiser le commerce intra-africain. A l’heure actuelle, seulement 20% des importations alimentaires sont issues de pays africains. Pourtant la majorité de ces importations pourraient venir directement du continent, permettant ainsi de développer l’emploi et les revenus. La zone de libre-échange continentale africaine (l’AfCFTA), qui regroupe aujourd’hui 43 pays sur 55, vise à améliorer la coordination du commerce à l’intérieur et à l’extérieur du continent en regroupant et en valorisant les produits de base africains. Pleinement mis en œuvre, l’AfCFTA pourrait stimuler le commerce intra-africain de biens et de services à hauteur de 25% d’ici 2040, et permettre aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires africains de contribuer à un pourcentage plus important des besoins alimentaires croissants de l’Afrique.
10 milliards de dollars : c’est le montant que la Banque africaine de développement s’est engagée à investir dans la sécurité et la souveraineté alimentaires de l’Afrique au cours des cinq prochaines années. |
Quelles sont les principales menaces à la sécurité alimentaire ?
La sécurité alimentaire ne se résume pas à un problème de disponibilités, c’est aussi une question d’accès à la nourriture.
La pauvreté est la cause la plus importante de l’insécurité alimentaire.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il est primordial de prendre en compte les facteurs socio-économiques et démographiques dans les achats et la consommation alimentaires des ménages. En effet, les groupes socioéconomiques défavorisés qui ont un budget réduit vont avoir tendance à consommer des aliments de moindre qualité nutritionnelle qui ont des conséquences sur le plan de la santé.
Les conflits sont également une menace forte pour la sécurité alimentaire des populations. La faim est bien trop souvent utilisée comme une arme de guerre. Depuis le conflit en Ukraine, l’accès aux stocks de céréales est complexifié. En effet, l’invasion de Vladimir Poutine en Ukraine, s’ajoutant aux sécheresses en Afrique du Nord et de l’Est, à la canicule en Inde et aux conflits en Éthiopie, au Yémen et en Somalie, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et a fortement contribué à faire de 2022 une année catastrophique dans le domaine de l’alimentation.
Enfin, le dérèglement climatique met en péril les efforts réalisés pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Les épisodes climatiques violents sont de plus en plus répétitifs et causent d’innombrables conséquences sur les terres, le bétail, la production agricole. Les épisodes de sécheresse à répétition dans de nombreux pays africains, comme en Somalie, empêchent les populations de subvenir à leurs besoins en cultivant leur production.
Quels sont les pays les plus touchés par l’insécurité alimentaire ?
D’après des estimations de l’ONU, en 2021, entre 702 et 828 millions de personnes ont été confrontées à la faim. Ce nombre a augmenté d’environ 150 millions depuis le début de la pandémie de COVID-19 – avec une hausse de 103 millions entre 2019 et 2020 et de 46 millions en 2021.
En 2021, l’ONU estime que la faim a frappé 278 millions de personnes en Afrique, 425 millions en Asie et 56,5 millions en Amérique latine et dans les Caraïbes. Soit 20,2% de la population africaine, 9,1% de la population asiatique et 8,6% de la population caribéenne. Toujours selon l’ONU, si la majorité des personnes sous-alimentées de la planète se trouvent en Asie, c’est en Afrique que la prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée. Il y a donc urgence à lutter contre l’insécurité alimentaire !
Comment développer un modèle agricole durable et à long terme en Afrique ?
Face à l’agriculture intensive qui domine principalement dans le monde aujourd’hui, il est primordial pour l’Afrique de pouvoir se concentrer sur une agriculture familiale qui permet de soutenir le développement durable, social et économique de l’ensemble des territoires.
Les organisations paysannes doivent relever des défis et pour cela travailler en lien direct avec leurs partenaires. Pour une agriculture durable sur le long terme, il est important de pouvoir :
- garantir la disponibilité d’aliments sains produits localement, sans utilisation à grande échelle de pesticides qui ravagent les sols ;
- assurer un revenu digne aux paysannes et aux paysans, ainsi qu’aux autres acteurs des filières et des systèmes alimentaires locaux afin de rééquilibrer les marchés et de soutenir économiquement les acteurs agricoles ;
- aider par des politiques publiques les agriculteurs et agricultrices à lutter contre les effets du dérèglement climatique ;
- répondre aux exigences de gestion durable des ressources naturelles ;
- influencer les politiques publiques tant au niveau national qu’international ;
- lutter efficacement contre l’accaparement des terres ou baux emphytéotiques par des États, des firmes privées ou des fonds d’investissement.
Pour en savoir plus sur la crise alimentaire mondiale et ses enjeux, regardez la vidéo ci-dessous, notre Responsable plaidoyer Maé Kurkjian vous explique tout. Pour aller plus loin et agir à nos côtés, signez notre pétition pour demander à nos dirigeant·e·s de mettre fin à la crise alimentaire.