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Cette semaine dans Ondes de Choc : Il y a un an aujourd’hui, la Russie lançait une attaque contre l’Ukraine, le plus grand assaut militaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Les conséquences directes et indirectes de cette guerre sont énormes. Au moins 7 199 civils ukrainiens sont morts, 8 millions de personnes sont devenues des réfugiés, des millions d’autres sont confrontées à la faim, et le conflit continue de bouleverser un équilibre géopolitique déjà fragile.
Un an après, nous examinons en profondeur les impacts de la guerre, en particulier en Afrique.
ACTUALITES
Pierre paie Paul : Selon de nouvelles estimations de ONE et SEEK, les coûts d’accueil des réfugiés causés par la guerre en Ukraine pourraient s’élever à plus de 35 milliards de dollars en 2022 et en 2023. Cela correspond à 20 % de l’aide mondiale totale fournie en 2021, et à trois fois le montant des dépenses consacrées aux réfugiés avant le début de la guerre. Les règles de l’OCDE permettent aux pays donateurs de comptabiliser les fonds dépensés pour soutenir les réfugiés comme de l’aide au développement (pendant la première année). Cela a un impact majeur sur le montant de l’aide 💰 disponible pour soutenir les 648 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté (la majorité d’entre elles en Afrique), à moins que les gouvernements des pays donateurs ne fassent de l’aide aux réfugiés ukrainiens un budget additionnel à celui de l’aide au développement. Certains pays, comme l’Australie et l’Allemagne, le font déjà, mais ce n’est pas le cas de tout le monde (comme les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni).
Jouer l’offensive : La guerre a mis en évidence et renforcé l’influence géopolitique croissante de l’Afrique. De nombreux pays africains ont ignoré les appels à condamner la Russie venant de l’Occident, en partie en raison d’une rancoeur persistante suite à la distribution inégale des vaccins contre le COVID-19, du refus de l’Occident d’assumer la responsabilité des dommages climatiques et, ne l’oublions pas, du colonialisme. Plutôt que d’être des pions dans une lutte géopolitique, les pays africains font preuve d’autonomie. Lors du sommet de l’Union africaine cette semaine, les dirigeants africains ont exprimé leur indignation (justifiée) face à l’injustice du système financier international. Ils ont créé un groupe de travail chargé d’élaborer un programme de réforme africain pour le FMI et la Banque mondiale. Ils réclament également deux sièges permanents et cinq sièges non permanents au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que des droits de veto.
Négocier la faim : Ce soir, 112 millions de personnes de plus qu’il y a un an se coucheront le ventre vide, dont beaucoup se trouvent en Afrique. Des millions d’autres pourraient se trouver menacés par la famine si les négociations pour le renouvellement de l’Initiative sur les céréales de la mer Noire échouent le mois prochain. Cette Initiative a permis à l’Ukraine d’expédier des céréales depuis les ports bloqués par la Russie. L’accord était essentiel pour stabiliser les prix du blé et du maïs après qu’ils aient grimpé en flèche à la suite de l’invasion de l’Ukraine. En 2020, 15 pays africains ont importé plus de 50 % de leur blé de Russie ou d’Ukraine et six pays ont importé plus de 70 % de leur blé de cette région. L’Initiative de la mer Noire avait pour but d’aider les pays les plus pauvres, mais seulement 3 % des exportations dans le cadre de l’accord sont allées à l’Afghanistan, à Djibouti, à la Somalie, au Soudan et au Yémen. Au lieu de cela, l’accord a largement profité à la Chine et à l’Europe. Moscou juge cela « insatisfaisant » et menace de ne pas renouveler l’accord. 👀
Des cultures qui se meurent : Selon la Banque africaine de développement, la réduction de l’utilisation des engrais en Afrique pourrait entraîner une baisse de 20 % de la production alimentaire. Comme une grande partie du monde, les pays africains dépendent des importations d’engrais en provenance d’un petit nombre de pays, dont la Russie et la Biélorussie. De nombreux agriculteurs africains réduisent leur production en raison de leur incapacité à trouver ou à acheter des engrais. Une lueur d’espoir à l’horizon : cette situation a mis en lumière la nécessité d’améliorer l’accès des Africains aux engrais, notamment en attirant de nouveaux fonds vers le Mécanisme africain de financement des engrais. Le potentiel du Maroc en tant que source alternative d’engrais est intéressant (le pays possède 70% des réserves mondiales de phosphate, un ingrédient clé des engrais). Le revirement du président kenyan William Ruto (sur lequel il est revenu depuis) sur la reconnaissance de l’indépendance du Sahara occidental a été rapidement suivi par des importations d’engrais marocains.
L’électricité est coupée : Le nombre de personnes privées d’électricité a augmenté de près de 20 millions en 2022, en grande partie à cause de la hausse des coûts de l’énergie. Il s’agit du premier recul des progrès réalisés en matière d’accès à l’électricité en 20 ans. En Afrique, le nombre de personnes privées d’électricité en 2022 est revenu au niveau de 2013. Dans certains pays africains, les coûts énergétiques des ménages ont augmenté trois fois plus que la moyenne internationale. L’augmentation des coûts énergétiques est étroitement liée à l’insécurité alimentaire, en particulier pour les populations aux revenus les plus faibles. Par exemple, le coût énergétique moyen lié à l’acheminement des aliments pour les 10 % de la population guinéenne aux revenus les plus faibles est 65,7 % plus élevé que celui des 10 % de la population aux revenus les plus élevés. La crise énergétique pourrait faire basculer jusqu’à 141 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.
Malheurs économiques : Les effets économiques indirects de la guerre continuent d’affecter les pays africains. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie ont alimenté l’inflation. Près des deux tiers des pays africains ont augmenté leurs taux d’intérêt en 2022 pour tenter de la juguler, réduisant ainsi une marge de manœuvre budgétaire déjà limitée. Huit pays africains sont en situation de surendettement, et 14 autres présentent un risque élevé de surendettement. La mauvaise redistribution des droits de tirage spéciaux aux pays dans le besoin et la lenteur des réformes du Cadre commun du G20 n’ont rien arrangé. Le fait que les États-Unis continuent d’augmenter les taux d’intérêt n’ont pas aidé non plus, ce qui touche davantage les pays pauvres. Bien qu’il y ait des signes de ralentissement de l’inflation, les taux d’intérêt élevés continuent de freiner les plans du gouvernement et les investissements du secteur privé, y compris dans des pays comme le Zimbabwe. Ce qui pourrait aider : débloquer des centaines de milliards de dollars des banques multilatérales de développement. Il y a donc une solution, il faut juste plus de volonté politique.
L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION :
- Un récent rapport des Nations unies le constate : en Afrique subsaharienne, le chômage supplante désormais l’adhésion à une idéologie religieuse comme principal moteur de l’extrémisme violent. Découvrez la tribune à ce sujet de notre directrice France, Najat Vallaud-Belkacem, dans l’Obs.
- Un an après l’invasion de la Russie en Ukraine, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dénombre plus de 8 millions de réfugiés ukrainiens à travers l’Europe. Il y a quelques mois, nous recevions Céline Schmitt, porte-parole du HCR, sur notre podcast ONE World. Un épisode à (ré)écouter sur Spotify ou Apple Podcasts.
- Au-delà de la question des réfugiés, c’est également la sécurité alimentaire mondiale qui est fortement menacée depuis un an. Depuis le début de la guerre en Ukraine, on estime que 112,6 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim dans le monde. Nous avons lancé une pétition pour appeler les dirigeants mondiaux à agir de toute urgence, mobilisez-vous à nos côtés.
LES CHIFFRES :
- 4x plus de céréales ont été exportées vers la Chine que vers les pays africains en février à travers l’Initiative sur les céréales de la mer Noire.
77 % des Nigérians se disent insatisfaits de la démocratie, contre 57 % en 2018.