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La plus grande démocratie d’Afrique face à sa plus grande épreuve

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Cette semaine dans Ondes de Choc : Nous nous penchons sur les prochaines élections présidentielles et législatives au Nigeria et sur les défis auxquels le vainqueur devra faire face dans la plus grande démocratie d’Afrique.

ACTUALITES

Pour qui sonne le glas : Les Nigérians se rendent aux urnes le 25 février pour élire un nouveau président et un nouveau parlement, dans un scrutin que les experts qualifient de « baromètre » pour la démocratie en Afrique. Des élections auront lieu dans plus d’une douzaine de pays africains l’année prochaine, mais aucune n’aura autant d’impact que celles du Nigeria, le pays le plus peuplé et la plus grande économie d’Afrique. Avec près de 24 ans de démocratie ininterrompue, le Nigeria revêt une importance particulière pour le continent, à la fois réelle et symbolique, dans une région en proie à l’instabilité politique et aux dirigeants qui s’accrochent au pouvoir pendant des décennies. Il est inquiétant de constater que les élections se déroulent dans un contexte de baisse de la satisfaction citoyenne à l’égard de la démocratie et des partis politiques. Au Nigeria, celle-ci a dégringolé de 20 points de pourcentage depuis 2018, ce qui n’est pas de très bon augure.

Rencontrez les candidats : Dix-huit candidats sont en lice pour devenir le prochain président du Nigeria et succéder au président Muhammadu Buhari. Pour la première fois dans l’histoire du pays, aucun des principaux candidats n’est un ancien officier militaire. L’attention du public se concentre sur quatre candidats principaux :

  • Bola Tinubu, du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (Le congrès progressif)
  • Atiku Abubakar, du Peoples Democratic Party (parti démocratique du peuple) (opposition)
  • Peter Obi, un candidat dissident du Parti travailliste qui bénéficie d’un fort soutien de la jeunesse
  • Rabiu Kwankwaso, du New Nigeria Peoples Party (nouveau parti du peuple nigérian).

Depuis le retour à un régime démocratique en 1999, les élections présidentielles ont toujours été une compétition bipartite entre l’APC (All Progressive Congress) et le PDP (Peoples Democratic Party). Cette année, cependant, la popularité de deux autres candidats augmente la probabilité d’un scénario inédit : un second tour.

Briser les normes : L’élection pourrait bouleverser deux traditions tacites de l’élection présidentielle nigériane :

  1. Le pouvoir présidentiel doit alterner tous les huit ans entre les régions du nord et du sud. Avec le départ du président Buhari, originaire du nord, beaucoup insistent pour que son successeur soit originaire du sud. Or, deux des principaux candidats – Atiku Abubakar et Rabiu Kwankwaso – sont originaires du nord.
  2. La norme veut que le président et le vice-président ne partagent pas la même religion, une question politiquement sensible dans un pays où le fossé entre chrétiens et musulmans est très marqué. Bola Tinubu, un musulman, a choisi un colistier musulman, ce qui pourrait rompre ce fragile équilibre.

Double peine : Les élections se déroulent dans un contexte de défis socio-économiques croissants. Les revenus pétroliers sont en baisse et le déficit budgétaire a plus que quadruplé sous l’administration Buhari. La récente dégradation de la note de crédit par Moody’s rendra probablement les emprunts futurs encore plus coûteux et limitera davantage les dépenses publiques. Cette année, 30 % du budget national sera consacré au service de la dette du pays, soit plus du double des montants prévus pour l’agriculture, l’éducation et la santé réunis. Près des deux tiers de la population sont en situation de «  pauvreté multidimensionnelle », selon un indice qui prend en compte le revenu ainsi que d’autres facteurs, tels que l’éducation, les soins de santé et le logement. La population a également dû faire face à des pénuries de carburant et de liquidité. Il n’est donc pas étonnant que plus de huit Nigérians sur dix estiment que l’économie du pays est en mauvaise posture. Une direction plus ambitieuse de la Banque mondiale aiderait peut-être le Nigeria à relever ses nombreux défis…. 🙏🏽

Un sentiment d’insécurité : La question de l’insécurité sera au cœur des préoccupations des Nigérians qui se rendront (ou pas) aux urnes la semaine prochaine. Les problèmes de sécurité du pays se sont multipliés ces dernières années. Les États du nord sont en proie à des conflits de longue date avec des groupes djihadistes violents, des gangs criminels, et d’autres groupes armés qui s’en prennent aux communautés locales. Dans le sud, les agriculteurs et les éleveurs sont en proie à des violences permanentes, et des campagnes séparatistes sont en cours. Pour la première fois depuis le premier Afrobaromètre réalisé au Nigeria en 2000, la criminalité et la sécurité ont été citées comme les problèmes les plus importants par une majorité des personnes interrogées en 2022, avant le chômage et l’économie. Tous les principaux candidats à la présidence ont promis de s’attaquer à ces problèmes. Mais cela fait plus de dix ans que les politiciens nigérians le promettent, et échouent.

Le travail ou le japa : Beaucoup (trop) d’électeurs qui se rendront aux urnes la semaine prochaine sont sans emploi. Un Nigérian sur trois en âge de travailler était au chômage en 2020, et ce chiffre est probablement beaucoup plus élevé aujourd’hui. La plupart des Nigérians gagnent à peine de quoi couvrir leurs besoins primaires : 34 % des Nigérians ayant un emploi sont extrêmement pauvres. Les jeunes sont touchés de manière disproportionnée par le chômage : la moitié sont sans emploi, un facteur dont le candidat à la présidentielle Peter Obi a tiré parti pour s’assurer un fort soutien de la jeunesse. Face à la réalité du marché du travail, des millions de Nigérians choisissent de quitter le pays. La dernière vague d’émigration est communément appelée « japa », un mot yoruba qui signifie « courir, fuir ou s’échapper ».

Les jeunes ont le vent en poupe : Les jeunes Nigérians se sont imposés comme une force potentiellement redoutable dans cette élection. Les Nigérians âgés de 18 à 34 ans représentent 40 % des quelque 93 millions d’électeurs, suivis de près par les 35-49 ans, qui représentent 36 % du corps électoral. Beaucoup attribuent le fort engagement politique des jeunes Nigérians au mouvement #EndSARS de 2020, qui a indigné et mobilisé de nombreux jeunes. Mais ne cherchez pas la jeunesse sur le bulletin de vote cette année. Dans un pays où l’âge médian est de 18 ans, seul un des principaux candidats à la présidence, Peter Obi (61 ans), a moins de 65 ans.

Le pouvoir des femmes (en panne) : Si la question de l’inclusion des femmes figure dans les programmes des candidats à la présidentielle, la participation réelle des femmes aux élections fait cruellement défaut. Un seul des 18 candidats est une femme, et celles-ci ne briguent que 9 % des sièges aux élections législatives. Ce dernier chiffre ne laisse rien présager de bon pour changer la (mauvaise) réputation du Nigeria, qui est le pays africain comptant le moins de femmes au Parlement. La politique n’est pas le seul domaine dans lequel les femmes nigérianes sont mises à l’écart : seuls 26 % des citoyens affirment que le gouvernement fait un bon travail en matière de promotion de l’égalité des droits et des chances pour les femmes.

(In)sécurité électorale : La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est confrontée à de multiples obstacles dans ses efforts pour superviser des élections libres, équitables et crédibles. Les pénuries de carburant et de liquidité perturbent la préparation du personnel de la CENI et des observateurs électoraux indépendants, et risque de freiner la participation des électeurs. L’insécurité et la menace de violences pourraient réduire la participation, perturber le travail des journalistes et affaiblir la confiance des citoyens dans le processus électoral. On ne sait pas non plus comment les 3 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays voteront. La CENI jouera donc un rôle essentiel dans cette élection, qui sera suivie de près.

L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION : 

  • Najat Vallaud-Belkacem, directrice de ONE en France, était l’invitée de Cartman sur son émission de Fun Radio pour parler des actions de ONE ainsi que de notre hymne à la solidarité. Retrouvez le replay ici.
  • Aujourd’hui, une personne sur dix dans le monde est sous-alimentée. La guerre en Ukraine, l’inflation et les chocs climatiques ne font qu’empirer la situation. Découvrez 7 choses à savoir sur la crise alimentaire mondiale actuelle.
  • Maé Kurkjian, Responsable Plaidoyer de ONE en France, détaille les objectifs que le sommet de Paris sur « un nouveau pacte financier mondial » de juin prochain doit atteindre pour être une réussite dans Devex.

LES CHIFFRES :

  • 9,4 millions : C’est le nombre de nouveaux électeurs inscrits sur les listes électorales nigérianes, soit une augmentation de 11,3 % par rapport à 2019.

A suivre

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