Cette semaine dans Ondes de Choc : Les dirigeants du monde entier se sont rendus à Charm el-Sheikh pour la COP27. Les participants ont débattu de la question de savoir qui doit payer la facture des pertes et dommages causés par le changement climatique. La première ministre de la Barbade, Mia Mottley, a critiqué l’exploitation, la destruction de l’environnement et l’inaction des pays riches. Le FMI a proposé de nouvelles règles pour l’octroi de prêts plus respectueux de l’environnement tandis que la répression égyptienne à l’égard des dissidents a jeté une ombre au tableau.
ACTUALITES
Station-service : Alors que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent en Égypte pour la conférence des Nations unies sur le climat, ils sont accusés de traiter l’Afrique comme une « station-service ». Face aux inquiétudes croissantes concernant la dépendance de l’Europe au gaz russe, les pays de l’UE se tournent de plus en plus vers l’Afrique pour assurer leur sécurité énergétique. Parallèlement, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie montre que le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’énergie moderne augmente pour la première fois en dix ans. Environ 75 millions de personnes qui ont récemment obtenu l’accès à l’électricité risquent de ne plus pouvoir la payer, et 100 millions de personnes pourraient revenir à l’utilisation de la biomasse traditionnelle pour cuisiner. Sur les quelque 750 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité dans le monde, 600 millions vivent en Afrique.
Extinction : Sans engagements ambitieux en matière de réduction des émissions, les chances de dépasser la barre des 1,5°C d’ici 2026 se résument à tirer à pile ou face. Seuls 29 pays (sur 200 !) ont respecté l’échéance de septembre 2022 pour soumettre des objectifs climatiques actualisés permettant de maintenir la trajectoire d’un réchauffement de 1,5 degré. Pour rappel : à 1,5°C, nous avons cinq fois plus de chance de connaître des vagues de chaleur, entraînant une augmentation massive de décès. L’élévation du niveau des mers engloutit les pays situés à faible altitude, où vivent actuellement plus de 600 millions de personnes. A 2°C, 400 millions de personnes dans le monde seront exposées à une chaleur extrême et près de 20 % des espèces africaines seront menacées d’extinction. À 3°C, un tiers de la population de Lagos sera déplacée par la montée du niveau de la mer et la quasi-totalité des terres cultivables africaines ne seront plus viables. Et à 4°C, le PIB par habitant en Afrique subsaharienne diminuera de 80 % d’ici 2100. Mais bien sûr, il est politiquement impossible de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Quel est le montant des pertes ? Après des débats houleux, le thème des « pertes et dommages » a été inscrit pour la première fois à l’ordre du jour de la COP. Cela pourrait attirer l’attention sur la responsabilité financière des pays riches pour compenser les coûts du changement climatique que les pays à revenu faible ne peuvent éviter ou auxquels ils ne peuvent s’adapter, estimés à 580 milliards de dollars par an d’ici 2030. L’Autriche, l’Écosse, l’Allemagne, la Belgique, la Nouvelle-Zélande et le Danemark se sont engagées à allouer un montant total de 257 millions de dollars à cette thématique. Les États-Unis ont fait part à contrecœur de leur ouverture à de tels engagements après des décennies de « déni, de retard et de tromperie ». Seize États, dont quatre africains, demandent à la Cour internationale de justice de se prononcer. Pour rappel, les pays africains contribuent à hauteur de 4 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais le continent abrite les dix pays les plus vulnérables au changement climatique, dont beaucoup connaissent leur 152ème sécheresse depuis 2000.
Une attaque virulente : La première ministre de la Barbade, Mia Mottley, s’est violemment attaquée aux pays riches en invoquant l’esclavage pour faire valoir que le changement climatique est une grande injustice : « Nous sommes ceux dont le sang, la sueur et les larmes ont financé la révolution industrielle », a-t-elle déclaré. « Devons-nous maintenant faire face à une double peine en devant payer le coût des émissions de gaz à effet de serre issus de cette même révolution ? » Sur une note plus positive, son « Agenda de Bridgetown » visant à réformer le système financier international pour répondre à la crise climatique a recueilli le soutien du président français Emmanuel Macron.
Chanson(s) de rédemption : L’économiste camerounaise Vera Songwe a présenté, avec l’économiste britannique Nick Stern, un nouveau rapport historique sur les besoins en financements climatiques. Le monde a besoin d’une percée et d’une nouvelle feuille de route pour le financement climatique, capable de mobiliser 1 000 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour les pays émergents et en développement, à l’exclusion de la Chine. La résolution des problèmes liés à la dette sera essentielle à la réussite du plan, car les pays les plus vulnérables au changement climatique sont également les plus exposés au surendettement. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclaré que davantage de financements pour le climat doivent être accordés sous forme de subventions et de prêts concessionnels, afin d’éviter que le continent ne s’endette, un message repris par Macky Sall, président du Sénégal et de l’Union africaine.
Nouvelles règles : De nouvelles règles pour l’octroi de prêts élaborées par le FMI, la Banque mondiale et d’autres organismes permettront aux pays endettés de suspendre le paiement de leur dette après une catastrophe climatique, ce qui est une bonne nouvelle. Mais face à des désastres de plus en plus fréquents, il est difficile de savoir combien de temps les paiements peuvent être suspendus. En outre, cette mesure ne s’appliquerait qu’aux futurs prêts, excluant les 500 milliards de dollars de service de la dette que les pays les plus vulnérables au climat devront payer au cours des quatre prochaines années. Entre-temps, le FMI a soutenu les échanges « dette contre nature », qui permettraient aux pays de restructurer leurs prêts et de consacrer les recettes à des projets climatiques. Mais les coûts des transactions élevées et le manque de clarté dans la mise en œuvre pourraient nuire à l’intérêt des investisseurs.
Foudre : L’avion transportant David Malpass, Président de la Banque mondiale en Égypte pour la COP27 a été frappé par la foudre en chemin. Heureusement, personne n’a été blessé. Mais espérons qu’elle électrifiera le programme de financement de la Banque, y compris le Global Shield Financing Facility (ou Facilité mondiale de financement) récemment annoncée. Pour atteindre les objectifs de l’Afrique en matière d’énergie et de climat, plus de 190 milliards de dollars par an seront nécessaires entre 2026 et 2030, dont les deux tiers seront consacrés aux énergies renouvelables. Les niveaux d’investissement actuels sont dérisoires par rapport à ce qui est nécessaire. Seuls 2,4 % (55 milliards de dollars) des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables entre 2010 et 2020 ont été consacrés à l’Afrique.
Pure tromperie : Selon un nouveau rapport des Nations unies, les engagements volontaires pris par les entreprises pour atteindre des émissions nulles sont (littéralement) du vent. Les institutions financières qui se sont engagées à atteindre des émissions nulles investissent 8,5 milliards de dollars dans des entreprises responsables de la déforestation. Ces engagements d’atteindre des émissions nulles sont pourtant extrêmement importants puisqu’ils représentent environ 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.. Les Nations unies ont exhorté les entreprises participantes à mettre fin à cette « tromperie de haut niveau » et à cesser tout nouvel investissement dans les énergies fossiles, ce que les principaux gestionnaires d’actifs ont refusé catégoriquement. D’autres banques n’incluent tout simplement pas les secteurs fortement émetteurs dans leurs objectifs climatiques👀. Pendant ce temps, les défenseurs de l’environnement ont critiqué le nouveau plan de crédit carbone américain, qui vise à aider les pays en développement à s’affranchir des énergies fossiles.
Retenu prisonnier : Le maintien en prison du dissident politique Alaa Abdel Fattah a jeté une ombre sur les évènements de la semaine et a attiré l’attention sur le bilan catastrophique de l’Égypte en matière de droits humains. Ailleurs, les défenseurs de l’environnement ont été autorisés à manifester… *pendant une heure maximum* dans une zone désignée et fortement surveillée. Pas vraiment un modèle de démocratie. La plupart des ONG étaient occupées par des problèmes logistiques, alors qu’elles devaient faire face à des réservations annulées, à des hausses de prix et à d’autres obstacles sans précédent (qui s’ajoutent aux obstacles existants tels que les visas et les financements). Les activistes mettent en garde contre le fait que les restrictions imposées à la société civile et les préoccupations en matière de droits humains nuisent à la crédibilité de l’ensemble du sommet.
L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION :
- Ce week-end (12-13 novembre), la Fondation GoodPlanet propose des animations gratuites sur le thème du changement climatique à l’occasion de la COP 27, et notamment une formation au plaidoyer avec ONE. Venez nous rencontrer !
- David McNair de ONE explique les cinq phases de deuil pour chaque conférence organisée par l’ONU et pourquoi cela s’applique à la COP27.
- Amy Dodd et Jessia Antonisse de ONE plaident en faveur du financement intégral de la justice climatique.
LES CHIFFRES :
- 3 fois plus : C’est la multiplication des sécheresses en Afrique subsaharienne de 2010 à 2019 par rapport à la période 1970-1979.
- 43 % des jeunes d’Afrique subsaharienne ont déclaré que le changement climatique les a fait reconsidérer le fait d’avoir des enfants, un pourcentage plus élevé que dans toute autre région du monde.
- 9 millions : C’est le nombre d’emplois supplémentaires qui pourraient être créés dans le secteur de l’énergie d’ici 2030 grâce à la transition de l’Afrique vers les énergies renouvelables, qui créent jusqu’à 5 fois plus d’emplois que celui des énergies fossiles.