Cette semaine dans Ondes de Choc : la pauvreté et l’inflation montent en flèche, la biodiversité est en déclin, le Kenya revoit son système fiscal, et plus encore.
ACTUALITES
La pauvreté en hausse : La pandémie de COVID-19 a fait basculer près de 70 millions de personnes dans l’extrême pauvreté en 2020. C’est la plus forte augmentation en un an depuis que l’on fait le suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde, soit 1990. Cela signifie que plus de 700 millions de personnes vivent avec moins de 2,15 dollars par jour, et 60 % d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. Il est désormais « peu probable » que le monde atteigne l’objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030 : quelque 600 millions de personnes vivront probablement toujours dans la pauvreté à cette date, « en l’absence de taux de croissance économique sans précédent ». Les réponses inadéquates des pays du G20 et de la Banque mondiale en matière financière et face à la pandémie n’ont certainement pas aidé.
Des perspectives sombres : L’inflation a atteint un taux à deux chiffres dans 17 pays d’Afrique sub- subsaharienne, et près de 9 pays sur 10 connaissent des taux d’inflation supérieurs à 5 % dans cette région. La dette de l’Afrique sub-saharienne devrait se maintenir à près de 60 % du PIB cette année, et la croissance économique devrait chuter à 3,3 % (contre 4,1 % en 2021). Étant donné que le service de la dette extérieure coûtera aux gouvernements africains 16,5 % de leurs recettes en 2021 (contre moins de 5 % en 2010), l’augmentation de l’inflation, les niveaux d’endettement élevés et la faible croissance offrent des perspectives bien sombres. Entre-temps, le FMI a créé un outil de financement d’urgence, le « Food Shock Window » – un nouveau guichet « chocs alimentaires » – afin d’aider les pays confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et à des déficits importants de leur balance des paiements.
Des pertes insoutenables : Un « effondrement partiel des écosystèmes » lié au dérèglement climatique pourrait entraîner des pertes de PIB à deux chiffres, des défauts de paiement de la dette et des dégradations paralysantes de notation de crédit. Au Nigeria, cela pourrait entraîner une baisse du PIB de 9,5 % et une augmentation de 13 % du ratio dette/PIB du pays. Cela souligne la nécessité de prendre en compte la biodiversité et le capital naturel dans les analyses de viabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale. Pendant ce temps, les négociations autour du partenariat pour la transition énergétique de l’Afrique du Sud – qui s’élève à 8,5 milliards de dollars – sont au point mort en raison de divergences sur l’utilisation des fonds. Par ailleurs, les experts appellent l’Afrique à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le dérèglement climatique et sur l’atténuation de ses effets.
Coupure de courant : Les Sud-Africains sont confrontés aux pires coupures de courant de l’histoire du pays, en raison d’un nombre sans précédent de dysfonctionnements dans les centrales électriques gérées par l’État. Les hôpitaux, les télécommunications, les installations d’eau et d’assainissement et les usines ont tous été touchés. Les pannes ont déjà réduit la productivité du secteur manufacturier à son plus bas niveau depuis 14 mois. Le secteur se situe actuellement à 38,5 %, contre 50,6 % en août (toute activité inférieure à 50 % est considérée comme une contraction). Un nouvel accord sur l’énergie éolienne et solaire conclu avec le fournisseur public d’énergie français EDF et l’anglais Anglo American Plc pourrait aider, mais d’autres investissements seront nécessaires. Pour les Sud-Africains frustrés, le plus tôt sera le mieux.
Un fardeau évitable : Les maladies non transmissibles (MNT) causent 41 millions de décès chaque année, dont plus des trois quarts dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Pourtant, les financements des traitements et des remèdes font défaut : le Fonds Health4Life – créé en mai 2021 par l’OMS, l’UNICEF et le PNUD – reste vide. Ce fonds vise à réunir 250 millions de dollars sur cinq ans, et 25 pays ont déjà manifesté leur intérêt. Les avantages d’un investissement accru dans la lutte contre les MNT pourraient être énormes : 18 milliards de dollars supplémentaires investis chaque année dans les pays à revenu faible et intermédiaire pour lutter contre les MNT pourraient générer 2 700 milliards de dollars de bénéfices économiques nets. Or, à l’heure actuelle, seuls 5 % de l’aide en santé allouée à ces pays permettent de financer la prévention et la lutte contre ces maladies.
Retour sur investissement : Le Nigeria et l’Angola sont les plus grands producteurs de pétrole d’Afrique, mais leurs niveaux de dette publique sont très différents. La Banque mondiale estime que la faible production de carburant du Nigeria, associée à ses subventions « insoutenables », en est la cause. L’analyse la plus récente montre que le ratio dette/PIB de l’Angola est tombé à 61,9 %, soit une baisse de près de 24 points de pourcentage par rapport à 2021, ce que la Banque mondiale attribue à l’augmentation des recettes fiscales et à la baisse de l’évasion fiscale. Au Nigeria, le ratio dette/PIB a grimpé en flèche, au-dessus de 100 %, mais le gouvernement n’a pas l’intention de supprimer les subventions sur les carburants, malgré un déficit budgétaire de 28 milliards de dollars prévu pour 2023. Jusqu’à présent, les tentatives du Nigeria de supprimer les subventions sur les carburants furent… semées d’embûches.
Il n’est jamais trop tard : Le président kenyan William Ruto a annoncé son intention de rendre le système fiscal du pays plus progressif. Lors de son premier discours devant le Parlement en tant que président, M. Ruto a déclaré que le système fiscal actuel cible « trop les commerces et pas assez les richesses ». Un tiers des Kenyans vivent sous le seuil de pauvreté, alors que le pays compte 8 500 millionnaires. Ruto a souligné que la « situation financière du Kenya n’est pas très bonne », et a promis de s’attaquer à l’augmentation rapide de la dette du pays qui a été multipliée par six depuis 2013. Faut-il rappeler que durant cette période, Ruto a servi en tant que vice-président ?
Déjà vu : Le chef militaire du Burkina Faso, Paul-Henri Damiba, a fui au Togo voisin lors du deuxième coup d’État militaire du pays en l’espace d’un an. Le capitaine de l’armée Ibrahim Traore a revendiqué le poste de commandement suprême, invoquant l’incapacité de Damiba à contrôler la propagation de l’insurrection islamique (ce que Damiba a également invoqué pour justifier le renversement de son prédécesseur en janvier). M. Traore a déclaré qu’un dirigeant intérimaire serait nommé avant 2023 et a promis de respecter l’accord précédent sur le retour au gouvernement civil d’ici 2024. Cette violence politique a un impact considérable sur les enfants, puisque plus de 11 000 écoles ont été fermées.
L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION :
- Gayle Smith, directrice générale de ONE, analyse les dernières projections en matière de pauvreté et explique comment elles peuvent être inversées.
- Gayle parle également de la famine qui menace la Somalie, des défis à relever lors des négociations sur le climat à la COP27 et des leçons à tirer de la pandémie.
- ONE et ses partenaires E3G et Global Citizen ont proposé un plan d’action pour sortir le monde de la crise et construire un système qui fonctionne pour tous.
- Romilly Greenhill, directrice de ONE au Royaume-Uni, explique pourquoi l’aide au développement britannique est moins transparente qu’avant et ce que cela signifie.
- Jenny Ottenhoff, directrice expertise pour la santé mondiale de ONE, et d’autres experts débattront le mardi 11 octobre des choix cruciaux qui s’imposent à nous vis-à-vis des futurs financements pour la santé mondiale.
LES CHIFFRES :
- 8 milliards : C’est le nombre de tonnes de charbon que le monde est en passe d’utiliser cette année, ce qui équivaut aux niveaux records établis il y a près de 10 ans.
- 750 millions de dollars : C’est le montant du prêt que la Banque mondiale vient d’approuver pour le Nigeria afin de soutenir la création d’emplois et la réduction de la pauvreté.