En septembre prochain, les dirigeants du monde entier se retrouveront pour une réunion très importante en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Lors de cet événement, ils devront chacun annoncer leur contribution financière en faveur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme.
Pour mieux comprendre pourquoi il est important que la France augmente sa contribution financière dans la lutte contre ces trois maladies, nos jeunes Ambassadrices Roukhaya, Lilia et Aurianne ont interviewé Nelly Comon, Chargée des relations avec les bailleurs au sein du Fonds mondial.
Qu’est-ce que le Fonds mondial et que fait-il concrètement ?
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a été créé en 2002 et est basé à Genève, en Suisse. C’est une organisation internationale avec un modèle particulier de partenariats : elle rassemble les financements et les redistribue dans les pays qui en ont besoin pour lutter contre ces trois maladies.
L’organisation est aussi spéciale dans son modèle car elle a un modèle inclusif : le Fonds mondial inclut la société civile, des personnes infectées ou affectées par les trois maladies, des gouvernements, des représentants des secteurs privé et public. Toutes ces personnes sont rassemblées autour de la table et ont voix égale aux décisions prises, tout le monde est sur le même pied d’égalité.
On distribue environ 4 milliards de dollars par an aux pays, qui mettent eux-mêmes en place des programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ils vont également contribuer à renforcer leurs propres systèmes de santé : on les aide par exemple à investir davantage dans les chaînes de laboratoires ou dans les formations de personnels, tout cela dans le but de donner plus d’accès à la santé et aux services contre ces trois maladies aux personnes les plus vulnérables.
Par exemple, si une mère en Afrique a un enfant avec de la fièvre, elle va aller dans un centre de santé et le faire tester contre le paludisme. S’il a le paludisme, il aura des antipaludéens et sera traité. Elle va aussi en profiter pour avoir elle-même accès à des soins de santé, comme des soins de santé gynécologiques, un dépistage du VIH, etc. Cela nous permet d’atteindre les personnes les plus vulnérables et d’augmenter l’accès aux soins de santé primaires. Tout cela rentre dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD), qui doivent être atteints d’ici 2030.
Le Fonds mondial travaille avec des partenaires pour atteindre ces objectifs, et ça marche ! En 20 ans d’existence, nous avons sauvé 44 millions de vie, nous avons diminué le nombre de décès liés au sida, à la tuberculose et au paludisme de 40 %, nous avons augmenté l’accès aux traitements antirétroviraux (près de 22 millions de personnes dans le monde sont sous traitements antirétroviraux aujourd’hui), nous avons donné l’accès à plus de moustiquaires pour que les familles soient davantage protégées contre le paludisme, et nous avons doublé le nombre de personnes traitées contre la tuberculose.
Avec le COVID-19, on a eu tendance à oublier d’autres maladies. Est-ce que le coronavirus a nui à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ?
Oui effectivement, il y a eu des effets un peu désastreux sur tous les progrès réalisés ces 20 dernières années puisque le COVID a notamment eu un impact sur nos services de prévention. C’est la première fois en 20 ans d’existence qu’on a vu nos indicateurs reculer. Par exemple, on a eu une baisse de 22 % du nombre de personnes qui se sont fait dépister pour le VIH, ce qui n’est pas bon car s’ils ne connaissent pas leur statut, ils ne peuvent pas se faire traiter.
C’est pareil pour la tuberculose, on a eu une baisse de 18 % du nombre de personnes qui se sont fait traiter contre la maladie. Lorsqu’on sait que la tuberculose se répand très facilement dans l’air, un peu comme le COVID, il faut vraiment qu’on revienne sur des trajectoires où on peut lutter contre la tuberculose.
Pour ce qui est du paludisme, les pays ont réussi à mieux gérer, on a moins régressé mais il y a eu tout de même un petit recul de 4,3 % au sein des services de prévention. Cela fait beaucoup d’impacts pour nous.
Mais il faut aussi voir la partie positive des choses. Dès le début de la crise du COVID, on a mis en place des financements additionnels et des mécanismes d’urgence : on a pu mobiliser 4,3 milliards de dollars supplémentaires pour permettre à 108 pays d’acheter des tests COVID, puisqu’ils ont été disponibles assez rapidement, et des équipements protectifs pour les personnels de santé afin qu’ils puissent continuer à assurer les programmes dans les pays, notamment parce que les agents de santé communautaires sont le premier point de contact pour toute personne vulnérable, particulièrement en Afrique, pour accéder à des soins de santé.
Par exemple, au lieu de distribuer des moustiquaires dans des centres de santé, ils ont fait du porte-à-porte. Cela a permis de continuer d’avoir le contact avec les personnes, de pouvoir les traiter s’il fallait mais de ne pas les rassembler pour éviter les contaminations au COVID-19.
Mais il nous reste beaucoup à faire ! On est dans ce qu’on appelle la septième reconstitution de financement du Fonds mondial. On a un système de financement sur trois ans, c’est ce qu’on appelle une reconstitution. On a lancé la reconstitution en 2022 pour répondre à nos besoins et à ceux des pays dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et la paludisme, mais aussi continuer la lutte contre le COVID et renforcer les systèmes de santé, pour la période 2023-2025. Pour cette période, on a besoin de 18 milliards de dollars. C’est énorme, c’est une augmentation de 30 % par rapport à la période 2020-2022 mais c’est ce dont on a besoin pour vraiment continuer les services, les améliorer, les augmenter pour donner plus d’accès aux personnes et lutter contre ces trois maladies, contre le COVID, aider les pays à se préparer à une prochaine pandémie, car malheureusement on sait qu’il y aura sûrement d’autres pandémies, et adresser les problèmes d’accès équitable aux soins de santé pour toutes et tous, car ça aussi c’est un gros problème.
Qu’est-ce que le Fonds mondial attend concrètement de la France et comment pouvons-nous vous aider à atteindre cet objectif ?
La France est vraiment un partenaire vital pour nous. Le Fonds mondial a été créé en 2002 à l’initiative du Président Chirac. Il a vraiment appelé la communauté internationale à se rassembler car le VIH faisait des ravages énormes à l’époque. Depuis lors, on a des relations très privilégiées avec la France qui nous a toujours soutenus, que ce soit politiquement, financièrement ou stratégiquement. Elle a une voix au chapitre aussi puisqu’elle fait partie de notre conseil d’administration, elle prend des décisions sur ce que fait le Fonds mondial et surtout la France est le deuxième bailleur du Fonds mondial après les Etats-Unis, elle contribue à hauteur de 1,2 milliard d’euros sur trois ans.
Elle a donc un pouvoir financier énorme et c’est grâce à ce pouvoir et à l’appui qu’elle nous a donné qu’on a vraiment pu faire ces progrès pendant 20 ans. C’est donc très important de continuer à travailler avec la France et c’est même un privilège d’avoir ce leadership de la France, qui a toujours été engagée en matière de santé mondiale. On espère que pour la septième reconstitution, elle sera toujours aussi engagée et qu’elle fera une promesse de don qui sera au moins 30 % supérieure que la dernière pour correspondre à nos besoins pour la période 2023-2025.
Votre rôle est simple, mais il est essentiel ! Vous êtes la nouvelle génération, la génération future et vous êtes la voie. Il est très important que vous continuiez à mobiliser les décideurs politiques français pour qu’ils continuent à nous appuyer car c’est aussi dans votre intérêt. Tout comme vous vous êtes engagés dans la lutte contre le changement climatique, la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme est tout aussi importante, pour que vous puissiez continuer à avoir accès à ces services-là mais aussi pour aider vos pairs en Afrique, en Asie, en Amérique latine à avoir aussi accès à ces soins de santé. S’ils ont accès à ces soins et qu’ils peuvent se faire dépister pour le VIH, la tuberculose ou le paludisme, ils pourront contribuer à la vie de leur communauté, de leur pays, comme vous pouvez le faire en France. Il faut qu’on soit tous réunis, toutes générations confondues, et qu’on continue vraiment à combattre ces trois maladies, comme on l’a fait dans le passé pour la variole ou d’autres maladies infectieuses. On peut y arriver, tous ensemble !