Un tour d’horizon des dernières actualités, statistiques et analyses de l’impact du COVID-19 en Afrique. Cette semaine, dans Ondes de Choc: une écrasante majorité des Sud-Africains infectés par le COVID-19, un gaspillage des soins de santé époustouflant, et une crise de santé mentale née de la pandémie.
Actualités
Un écart de taille: L’Afrique du Sud a supprimé la quarantaine pour les cas asymptomatiques de COVID-19 et l’a réduite à 7 jours pour les cas symptomatiques. Ce changement de politique découle de nouvelles recherches suggérant que 60 à 80 % des Sud-Africains ont déjà été infectés. L’assouplissement des restrictions a déclenché un essor de l’industrie manufacturière (qui représente 13 % du PIB). Mais les taux d’infection élevés, jusqu’alors non détectés, ont des implications alarmantes : selon les données officielles, à peine 3,6 millions de personnes (soit 6 %) ont été testées positives. Un taux de positivité 10 à 13 fois plus élevé que les taux officiels indique un grave sous-dépistage et une sous-déclaration des décès dus au COVID. Le Malawi et d’autres pays africains sont dans une situation similaire.
La pandémie est une ordure : 87 000 tonnes d’équipements de protection personnelle (gants, masques, blouses d’hôpital, etc) pourraient être jetés sur la planète, et près d’un tiers ne peuvent être emballés ou stockés en toute sécurité. La quantité impressionnante de déchets médicaux résultant de la pandémie souligne l’urgence d’améliorer les systèmes de gestion des déchets, notamment dans les pays à faible revenu. 140 millions de tests jetés pourraient se traduire par 2 600 tonnes de déchets plastiques et 731 000 litres de déchets chimiques (assez pour remplir un tiers d’une piscine olympique 😧). Même avant la pandémie, on estimait que les déchets en Afrique subsaharienne allaient tripler d’ici 2050.
Changement de cap : L’enrayement de la chaîne d’approvisionnement mondiale pourrait toucher plus durement les pays africains dans les semaines à venir, alors que les navires des plus grandes compagnies maritimes du monde modifient leur itinéraire pour éviter la récente fermeture des ports chinois due au COVID-19. La Chine étant un partenaire commercial majeur de l’Afrique (le commerce sino-africain a dépassé 185 milliards de dollars de janvier à septembre 2021), les conséquences sont importantes (et prévisibles). Mais alors que les compagnies maritimes vacillent, les connexions numériques fleurissent : les ambassadeurs du Rwanda et de l’Éthiopie se mettent en scène sur internet pour vendre du café en Chine.
A garder en tête : La crise de santé mentale provoquée par le COVID au Ghana pousse les services disponibles à un point de rupture – et la plupart des soins sont hors de portée pour la majorité des Ghanéens. Le pays ne compte que 55 psychiatres et psychologues pour 30,8 millions d’habitants – contre 1 pour 1 .130 habitants en France. Le financement des services de santé mentale au Ghana représente moins de 0,005 % du budget du gouvernement 😱. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, vivre des années de pandémie mondiale et d’importants ralentissements économiques est une mauvaise nouvelle aussi bien pour la santé mentale que la santé physique.
Santé autogérée : On estime que 12 millions de femmes dans le monde ont vu leur accès aux contraceptifs perturbé par la pandémie, ce qui a entraîné près de 1,4 million de grossesses non désirées l’an dernier dans 115 pays à revenu faible ou intermédiaire. Parallèlement, le nombre de femmes ayant accès à des contraceptifs auto-administrés a doublé dans l’État du Niger, au Nigeria. Ce que l’on appelle “l’autogestion” de la planification familiale permet aux femmes et aux familles de prendre le contrôle de leurs soins de santé et de planifier leurs grossesses au moment qui leur convient, ce qui leur évite de devoir se rendre constamment dans des établissements de santé.
Inégalité boomerang : Selon une nouvelle étude, si les pays riches partageaient la moitié de leurs doses de vaccins COVID-19 avec les pays pauvres, le nombre de décès diminuerait partout. Le principe est simple : l’inégalité vaccinale permet la propagation et la mutation continue du virus, qui, comme les variants Delta et Omicron l’ont déjà prouvé, nous affectent tous, y compris dans les pays qui se réservent la majorité des doses. Winnie Byanyimia, responsable de l’ONUSIDA, demande une dérogation temporaire à la propriété intellectuelle afin d’accélérer la production de vaccins dans le monde. Comme l’Afrique du Sud, le Maroc n’attend plus : le pays construit une deuxième usine de fabrication de vaccins COVID et vise une production de 20 millions de doses par mois d’ici fin 2022 pour accélérer la vaccination sur son territoire.
Trou de la sécu : Les 6 millions de Kényans qui bénéficient de l’assurance maladie nationale ont failli se retrouver sans soins après la rupture des négociations contractuelles entre les assureurs publics et le secteur hospitalier privé. Le régime d’assurance est en proie à des difficultés depuis son introduction en 2004, et seuls 11 % des Kenyans sont couverts. La plupart d’entre eux n’ont pas les moyens de payer le coût de la couverture ou ne sont pas éligibles parce qu’ils travaillent dans le secteur informel. Le système de santé étant soumis à une pression croissante, les travailleurs de la santé se sont mis en grève dans tout le pays, frustrés par la stagnation des salaires et le gel des promotions pendant cinq ans. Les négociations contractuelles et les grèves se poursuivent.
Génie givré : La livraison de vaccins dans les zones rurales du Kenya est devenue possible grâce à un réfrigérateur à énergie solaire, mis au point par une jeune ingénieure kényane, Norah Magero. La Vaccibox peut être transportée sur un vélo, une moto ou un petit bateau, ce qui permet de combler le manque de stockage de la chaîne du froid dans le pays. Plus de 70 % de la population du Kenya vit dans des zones rurales. Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, ce pourcentage est de près de 60 %. L’accès à l’électricité dans les zones rurales est limité, ce qui rend difficile le transport des vaccins sensibles à la température. Dans la bataille pour la réfrigération des vaccins en Afrique, des inventions comme la Vaccibox sont indispensables.
En faute : Le gouvernement militaire qui contrôle actuellement le Mali a fait défaut sur près de 32 millions de dollars de paiements obligataires. Il a accusé les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à la suite du refus de l’armée d’organiser des élections avant la fin de 2025. Les dirigeants intérimaires du Mali ont menacé de fermer les frontières avec les États membres de la CEDEAO et rappelé ses ambassadeurs en raison des sanctions. Le taux de vaccination au Mali n’est que de 3 % et la pandémie a eu un impact considérable sur le déploiement de l’aide humanitaire destinée à soutenir les 20 millions de personnes prises dans cette lutte pour le pouvoir.
Le Kenya et l’UE ont annoncé qu’ils prévoyaient de commencer à travailler sur des documents stratégiques pour cadrer un partenariat pour la paix et le développement. En prévision du sommet Union africaine – Union européenne qui se tiendra ce mois-ci à Bruxelles, les deux parties ont également lancé le programme de coopération Kenya – Union européenne pour le développement écologique, doté d’un budget de 361 millions de dollars. Mais le sommet ne s’annonce pas de tout repos : le Burkina Faso a été suspendu à la suite de son récent coup d’État, et les tensions s’intensifient entre la France et le Mali au moment même où la France prend la tête du Conseil de l’Union européenne. A suivre!
Les chiffres :
- 25,9 vaccins ont été administrés pour 100 personnes en Afrique, contre 160,7 en Europe.
- 5 millions de travailleurs sont tombés dans la pauvreté en Afrique en 2020.
- 188,2 millions de dollars : Les paiements de la dette de Djibouti en 2021, 3,5 fois plus élevés qu’en 2020.