Après 36 jours de campagne et 16 millions de votes, le gouvernement du Canada sera vraisemblablement identique au précédent. Il est temps de se remettre au travail, dès maintenant. Le monde doit toujours faire face à une crise importante : la pandémie mondiale.
Bien que le Parlement n’ait pas changé depuis sa dissolution il y a de cela un peu plus d’un mois, nous avons perdu 5 semaines d’action gouvernementale dans un domaine d’intervention critique, soit celui de mettre fin à la pandémie mondiale de Covid-19.
Un moment tournant se déroulera demain, une occasion pour le gouvernement de manifester le sérieux de son intention à se remettre activement au travail. Le président Biden organisera un sommet des dirigeants mondiaux pour les inciter à soutenir plusieurs objectifs d’enrayement de la pandémie mondiale de Covid-19 :
- Vacciner la population mondiale : veiller à ce qu’au moins 70 % de la population, dans chaque pays, soit complètement vaccinée d’ici un an.
- Sauver des vies dans l’immédiat en s’assurant que chaque pays dispose de suffisamment d’oxygène, d’EPI, de tests de dépistage et de traitements pour confronter de futures vagues éventuelles de Covid.
- Mieux reconstruire en assurant un financement durable en matière de sécurité sanitaire. Nous devons être prêts pour la prochaine pandémie, aussi pénible que cela puisse être d’y penser en ce moment.
Le premier ministre Trudeau n’a pas encore confirmé sa participation (virtuelle) à ce Sommet, mais le monde a besoin de lui pour rassembler les autres dirigeants mondiaux et se remettre immédiatement au travail maintenant qu’il est réélu. Le Canada doit appuyer ces objectifs avec véhémence et déployer tous les outils nécessaires pour les atteindre.
Un an et demi après le début de cette pandémie et avec plusieurs vaccins très efficaces disponibles, seulement 6 % des personnes sur le continent africain ont reçu leur première injection contre 75 % au Canada (avec 70 % des Canadiens complètement vaccinés).
Comment le Canada peut-il contribuer à cette nouvelle initiative? En faisant ce que les experts demandent depuis longtemps : partager, partager et partager!
Oui, nous répéter ainsi nous donne l’air d’un vieux disque rayé, mais cela est dû au fait que le gouvernement n’a pas encore relevé le défi et ne parvient pas à répondre adéquatement à ce moment sans précédent de l’histoire.
Partager des doses
Le Canada a promis à ce jour de partager un peu plus de 40 millions de doses de vaccin avec COVAX : le mécanisme mondial de distribution de vaccins. Dans quelques cas, ce partage s’effectuera directement auprès des pays. Il s’agit d’un beau geste, mais seulement 1,3 million de ces doses ont été livrées aux pays dans le besoin à ce jour. Les livraisons doivent augmenter massivement et rapidement, notamment pour allouer aux pays un minimum de temps pour les inoculer avant leur expiration.
Nous disposons toujours d’au moins 32 millions de doses excédentaires que nous risquons d’accumuler (et de potentiellement gaspiller) d’ici la fin de l’année. Cela est vrai même si 100 % de la population reçoit ses 2 vaccins (y compris les moins de 12 ans, en supposant que les vaccins soient bientôt approuvés pour eux également).
Doit-on conserver tout cet excédent au cas où une troisième dose serait requise? Jusqu’à présent, le CCNI ne les a recommandées que pour les personnes immunodéprimées, car il n’y a pas suffisamment de preuves de leur nécessité pour la population générale. Plus de 200 experts de la santé, universitaires et professionnels de la santé ont également écrit une lettre à Dre Tam et au premier ministre Trudeau, leur demandant de soutenir l’appel de l’OMS pour un moratoire sur les rappels pour les Canadiens à faible risque, jusqu’à ce que davantage de personnes aient été vaccinées dans le monde.
Les experts médicaux affirment que nous pourrions avoir besoin de rappels éventuellement – le Canada a mis en place des commandes de rappels spécifiques pour les années à venir – mais la priorité actuelle devrait être d’effectuer les premières injections avant les troisièmes. C’est-à-dire : inoculer la première dose aux personnes en Afrique et d’ailleurs qui ne l’ont pas encore reçue (en particulier les agents de santé de première ligne qui n’ont toujours pas leur dose). Le Canada attend la livraison de millions de doses de Pfizer et de Moderna au cours des prochaines semaines.
Qu’adviendra-t-il de ces doses?
Les conserverons-nous en entreposage « au cas où » nous en aurions besoin à un moment donné?
Voilà une recette de gaspillage à grande échelle et une perspective intolérable alors que la pandémie fait toujours rage dans de nombreuses régions du monde.
Partager les connaissances
Dans la dernière année, un groupe de plus de 100 pays (dirigé par l’Inde et l’Afrique du Sud) a fait pression auprès de l’Organisation mondiale du commerce pour obtenir une suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle des vaccins et autres outils pour lutter contre la Covid-19 (que l’on prétend être la dérogation ADPIC). Cette approche (toutefois bloquée par plusieurs pays riches) permettrait aux pays en développement de produire plus facilement leurs propres vaccins.
Le Canada est toujours officiellement indécis quant à cette décision, mais si le gouvernement est sérieux dans son approche de soutien à l’accès aux vaccins pour le monde entier, il devrait cesser de bloquer le processus et soutenir cette dérogation.
Partager les ressources
Il ne s’agit pas ici d’une crise pour laquelle le Canada peut simplement faire un chèque. Ces 2 partages sont d’une importance vitale, et le Canada ne peut pas répondre au troisième en ignorant les deux autres. Dès lors, nous ne pouvons célébrer l’engagement du Canada à juste part tant que celui-ci n’applique pas, à son tour, un plan immédiat de partage de doses et de partage des connaissances.
Oui, le Canada a été l’un des premiers et des plus importants soutiens financiers de l’accélérateur ACT et de sa branche vaccins, COVAX; l’un des rares pays à avoir promis sa juste part de l’objectif de financement initial.
Mais nous devons en faire plus. Du financement additionnel sera requis, non seulement pour les vaccins, mais pour des achats tels que les EPI, l’oxygène, les tests de dépistage et les traitements. Les pays en voie de développement sont confrontés à la menace d’une vague mortelle (comme nous l’avons vu en Inde plus tôt cette année) et doivent être préparés et soutenus jusqu’à ce qu’ils atteignent une part significative de vaccination de leur population.
Il est clair à 100 % que la crise est loin d’être terminée et que sous la menace directe de la maladie, se cachent d’énormes reculs dans la lutte contre l’extrême pauvreté. Les prix alimentaires mondiaux sont au plus haut depuis des décennies, menaçant de famine des millions de personnes. Vingt-trois millions d’enfants n’ont pas reçu leur vaccination de routine en 2020, soit le nombre le plus élevé depuis une décennie.
Cela signifie que le budget de l’aide internationale doit être adapté. Des augmentations significatives dues au soutien apporté à la réponse mondiale contre le Covid et au grand engagement en matière de financement climatique ont été observées depuis les 2 dernières années. Mais la plate-forme du Parti libéral n’ajoutera que 100 millions de dollars à l’enveloppe d’aide internationale (l’EAI, principale source d’aide) pour 2024-25 et 2025-26. Si ces fonds devaient être ajoutés à l’ancienne enveloppe telle que définie avant la pandémie, cela signifierait une réduction du budget de l’aide étrangère. Ce qui ne peut arriver vu les circonstances actuelles.
On revient donc à la case départ avec ce nouveau Parlement qui ressemble étrangement au précédent. Nous avons dû nous battre avec acharnement pour les investissements de développement dans le budget fédéral. Nous avons dû nous battre pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Et nous devons encore nous battre pour obtenir un plan mondial adapté à la crise pandémique. Soyons prêts pour une lutte acharnée avant le prochain budget.
On revient donc à la case départ avec ce nouveau Parlement qui ressemble étrangement au précédent.
Nous savons que nous avons dû nous battre avec acharnement pour les investissements de développement dans le budget fédéral.
Nous savons que nous avons dû nous battre avec acharnement pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Nous savons que nous devons encore nous battre pour un plan véritablement mondial pour faire face à la crise pandémique.
Soyons prêts pour une grande lutte avant le prochain budget, et en attendant, il est temps que notre gouvernement se remette au travail.
Mercredi, les dirigeants mondiaux se réuniront pour une réunion avec le président Biden.