Confronté depuis 2012 à des insurrections indépendantistes, jihadistes ainsi qu’à des violences intercommunautaires avec des milliers de morts, civils et combattants, et des centaines de milliers de déplacés, le Mali traverse sans aucun doute une crise multidimensionnelle sans précèdent. Le pays ne s’est pas encore relevé de cet imbroglio dans lequel il est empêtré depuis 8 ans, qu’il doit faire face, à l’instar des autres pays du monde, à cette nouvelle crise sanitaire mondiale causée par le COVID-19.
25 mars 2020, le Mali enregistrait officiellement son 1er cas positif au Coronavirus. Depuis lors, le virus invisible a malheureusement réussi à faire des dizaines d’autres victimes, si bien qu’à la date du 14 avril 2020, le Mali compte sur son territoire 113 cas confirmés sous traitement et 10 décès.
Comparée aux autres Etats de l’Afrique, la situation du COVID-19 au Mali semble moins alarmante, mais quand on connait le degré très élevé de contamination de ce virus, le pays se doit d’être vigilant pour éviter le pire. La particularité du Mali dans cette crise sanitaire réside en effet dans son contexte sécuritaire, politique et social instable du fait des conflits armés au Sahel, avec la présence des djihadistes qui contrôle le nord et une partie du centre. Trois facteurs désavantageux pour l’Etat Malien pourraient favoriser une grave crise nationale de COVID-19.
- Le Mali étant dans une crise multidimensionnelle faisant face au terrorisme a pour priorités, les questions de défense et de sécurité, au détriment des services sociaux de base tels que la santé. Par conséquent, le système sanitaire national déjà si fragile supporterait difficilement un autre fardeau comme le COVID-19, d’une telle grande ampleur.
- L’administration publique malienne est actuellement faiblement représentée dans le nord du pays, du fait des conflits armés. Cette partie de la population, quasiment coupée du reste du pays, n’aura pas droit à une prise en charge sanitaire adéquate (test de dépistage, mesure de quarantaine, traitement du COVID-19) et sociale (mesures sociales étatiques). Il y a donc malheureusement de fortes chances que le COVID-19 fasse des ‘victimes silencieuses’ si des mesures d’assistance spéciales ne sont pas prises en compte.
- La tenue d’élection le 29 mars dernier alors que le Coronavirus était déjà présent sur le territoire malien, peut être un facteur de grande propagation du virus à l’échelle nationale, dans les prochains jours et semaines.
Les dispositions prises par l’état Malien sur le COVID-19
Le 26 mars 2020, le Président malien déclarait l’état d’urgence sanitaire et un couvre-feu de 21h à 5h. La fermeture des lieux de rassemblement tels que les bars et clubs a été annoncé et le gouvernement malien s’est engagé à investir 10 millions de dollars (6,3 milliards de FCFA) pour faire face aux besoins prioritaires des populations.
Ces mesures, décrétées pour réduire les mouvements et les risques de contamination au COVID-19, semblent adaptées au contexte économique et social malien. Car un confinement total des populations, en majorité engagées dans le secteur informel et à revenus faibles, affecterait gravement l’économie nationale et pourrait engendrer d’autres problèmes tels qu’une crise financière et des tensions sociales.
Cependant, il serait judicieux pour l’état malien de prendre d’autres mesures en compte, pour alléger la souffrance des populations sue le plan socio-économique et sanitaire :
- Eviter les surenchères à travers la régulation du marché et le contrôle des prix des produits hygiéniques telles que les masques, les gels hydroalcooliques, ainsi que des articles de premières nécessités, pour éviter aux communautés à faibles revenus de ne pas pouvoir s’en procurer ;
- Prendre des mesures sociales au profit des personnes et ménages vulnérables (exonération des factures d’eau, d’électricité, dons de vivres) ;
- Améliorer la réponse sanitaire, tant en matière de test de dépistage qu’en prise en charge des cas positifs ;
- Sensibiliser dans le but de résorber le risque de plus en plus grand, d’automédication ; la stigmatisation, et les mesures de quarantaine.
La campagne ONE World – Solidarité contre les dégâts du COVID-19 au Mali et en Afrique
ONE Campaign a lancé ONE World une nouvelle campagne mondiale visant à s’assurer que les dirigeants du monde entier prennent des mesures pour élaborer une réponse globale au COVID-19. A ONE, nous sommes aux côtés de tous, partout – qu’ils vivent de l’autre côté de la rue ou de l’autre côté de l’océan – et nous exhortons les dirigeants mondiaux à faire de même. Nous lançons un appel au gouvernement malien, à faire de même, à travers :
- L’intervention d’urgence : La crise du COVID-19 étant une situation sensible et particulière qui ne sera vraiment pas facile pour les populations à faible revenu et les couches vulnérables, il est du devoir du gouvernement malien de :
- Allouer un fonds d’assistance et de soutien, pour soutenir les besoins de premières nécessités des personnes indigentes et populations défavorisées (en eau ; électricité, kit d’hygiène, soins médicaux etc.)
- Assurer la disponibilité, à l’échelle nationale des produits pharmaceutiques de traitement du Coronavirus (Chloroquine, Azithromycine), pour prévenir toute pénurie.
- Mettre en place des centres de prise en charge adéquats et équipés en matériels et équipements de traitements des personnes infectées.
- Soutien à l’économie nationale : La crise du COVID-19 est avant tout sanitaire, mais ses répercussions économiques et financières sont inévitables. Le gouvernement du Mali a d’une part, la responsabilité d’activer tous les mécanismes légitimes nécessaires à la mobilisation de l’aide internationale, tant de sa diaspora, du secteur privé que des institutions financières internationales, pour soutenir son économie. D’autre part, il est nécessaire que le pouvoir malien prenne des mesures pour soutenir les entreprises et éviter les faillites et les pertes d’emploi, qui pourraient aggraver le taux de chômage, déjà problématique. La sécurité sanitaire dans un contexte de pandémie mondiale exige une solidarité mondiale, et aucun Etat n’est véritablement en sécurité tant que d’autres sont en difficulté.
- Sécurité sanitaire : Afin de maîtriser les pandémies mondiales comme le COVID-19, chaque pays doit renforcer ses capacités de prévention, de dépistage et de réponses aux menaces sanitaires mondiales. Il faudra pour cela allouer des ressources conséquentes aux recherches scientifiques, à la création et au renforcement de laboratoires biomédicaux, à l’amélioration du plateau technique sanitaire, au renforcement de capacités du personnel médical en matière de gestion d’épidémie et de pandémie.
- La question électorale : les Maliens étaient aux urnes le 29 mars dernier pour le premier tour des élections législatives, alors que le pays était à 18 cas confirmés de COVID-19. Sachant que le regroupement contribue à la propagation du virus, les Autorités maliennes devraient appréhender la question sur tous les angles et mesurer l’impact de la tenue du second tour des élections législatives prévu pour le 19 avril prochain. De toute évidence, au nom de la santé publique, un report du second tour des élections apparaît comme l’option la moins risquée.
Les virus comme le COVID-19 n’ont pas de frontières, la solidarité non plus. Cette pandémie est un défi mondial et elle exige une réponse mondiale car aucun pays ou communauté ne sera en sécurité tant que nous ne le seront pas tous.